MARYS’ À MINUIT

TNBA
Théâtre du Port de la Lune
Direction Catherine Marnas
Place Renaudel - Bordeaux

Jusqu’au vendredi 9 février 2018
du mardi au vendredi à 20h / samedi à 19h

 

Mary’s à minuit loupe 

Serge Valletti met en lumière des gens simples, des gens du peuple, avec le regard bienveillant des humanistes irréductibles. Mais simple ne veut pas dire simplistes. Ce sont souvent des caractères multiples, complexes et originaux qui possèdent leurs propres références, leurs propres expériences et leurs propres logiques.

Ainsi, ce texte met en scène une femme avec qui nous allons passer une heure. Heure durant laquelle nous allons découvrir par fragments, son existence, son intime et finalement sa vie. Tout se passe dans une douceur extrême, dans un décor fantasmatique de robes de mariées montées sur des bustes, qui s’éclairent, tournent comme ces danseuses anciennes de boîtes à bijoux qu’il fallait remonter d’un tour de clef régulièrement. Sorte d’espace indéfini qui peut rappeler une maison de poupée. Il y a une poupée. Il y a aussi des mange-disques à profusion qui situent l’histoire dans les années 60. D’ailleurs, par moment, des extraits de Joe Dassin (« L’Été indien ») ou de Stone et Charden (« Le Prix des allumettes » > citation : « Toi, tu ne changes pas, t’es comme le prix des allumettes… » paroles incroyables…) sont joués sur ces mange-disques, format super 45 tours, collector.  

Dans ce décor cocasse, vaguement dévitalisé (les robes de mariées sont recouvertes de bâches transparentes comme pour les protéger de la poussière) évolue un drôle de personnage, couleur acide hallucinogène de perruque rose, emmitouflée dans une robe de mariée taillée dans du papier bulle et des sacs plastiques blancs pour les jupons : Maryse.

Maryse raconte, se raconte et vit ses rêves, son entourage, l’attente de cet amour qui passe en vrombissant sous ses fenêtres ou visite sa mère à l’étage en dessous, l’amour qu’il est, sera, peut-être, puisqu’il lui a déjà fait un jour des caresses suggestives, pas une invention, non, c’est un certain sosie de Jean-Louis Maclaren. Et puis d’autres choses, évoquées, effleurées… Est-elle enfant, femme, sensée ou cinglée, peu importe. Elle établit et impose sa logique, une logique qui sauve de tout puisqu’elle se moque du temps qui passe, et peut-être sauve de la mort et du malheur.

Le discours ici fabrique l’histoire qui évade de la réalité. Catherine Marnas s’inscrit dans cette vision, plaçant son personnage dans un lieu sans repères véritables. Un texte qu’elle avait déjà monté il y a vingt ans, avec la même comédienne. Et c’est peut-être ça la beauté de ce spectacle que de faire éprouver pendant une heure la sensation d’être dans un autre monde, une autre logique, avec les mêmes petits malheurs, petits rêves et petites joies que la vie réelle mais sauvé par l’imaginaire.

Martine Thinières crée ici avec une belle maestria un personnage qui pourrait vite tomber dans la caricature et qui n’y tombe jamais. Elle joue sa partition sur un fil entre folie et logique, dans une totale incarnation.  Travail physique autant que psychologique, et des adresses public qui alternent avec des absences touchantes pour cette superbe interprétation.

Bruno Fougniès

 

Mary’s à minuit

Texte Serge Valletti
Mise en scène Catherine Marnas
Son Madame Miniature / Scénographie Carlos Calvo

Avec Martine Thinières

 

Mis en ligne le 27 janvier 2018