SUR LES GENOUX DE PAPA

Théâtre de Ménilmontant
15 rue du Retrait
75020 - PARIS
 Tél : 01 46 36 98 60 

Les 24 et 25 novembre 2015

 

Sur les genoux de papa loupe 

Création

 

C’est une histoire de famille. Une famille comme on les aime, pas très lisse, bosselée et crevassée par les zones d’ombres. Une famille actuelle, recomposée, décomposée, réassemblée, disparate et sublimant avec idolâtrie les apparences.

On connaît ces situations tendues, ces non-dits et ces accès soudains de rage, de violence et d’orage dans le ciel si pur d’un petit déjeuner. Syndromes terribles de haine couvant sous l’amour officiel.

Sous le vernis tellement splendide de cette famille extrêmement bourgeoise bouillonne un magma innommable. Mais tant que ça ne se voit pas… Et puis l’argent fait le reste.

Lui est à la tête d’un consortium d’hôtels de luxe, il n’est jamais à la maison… Elle, elle fait les boutiques et s’occupe des enfants et aussi de la bouteille de whisky, compagnon de sa solitude… Et puis il y a les deux enfants : la fille qu’ils ont eu ensemble, 17 ans, un angélique nuage de coton flottant sur les réalités du monde, bonne écolière… et le fils qu’elle a eu avant, et qu’il a adopté, lui, et qui sera l’héritier de sa fortune…

Pour faire éclater les fêlures de cet assemblage familial, François Borand a imaginé l’apparition d’un SDF. Il va être le révélateur d’un passé honteux et d’un présent grouillant de turpitudes.

Pourtant, bien que cette pièce s’axe autour d’un sujet extrêmement difficile, périlleux presque, grâce auquel on peut vite tomber dans l’apitoiement, le pathétique, ou l’insupportable, rien de cela n’arrive.

La mise en scène de Rubia Matignon et sa direction du jeu évite totalement ces écueils. Les parties les plus sombres, les plus douloureuses vécues par les personnages de cette histoire sont laissées à l’imaginaire et la sensibilité des spectateurs : on suggère, on évoque, mais on n’impose pas.

C’est un touché très fin, un touché qui n’empêche pas une prise au corps réel des comédiens avec le texte et les situations, qui fait que les images de cette pièce restent dans la mémoire comme si l’on avait fait une plongée de quelques minutes au fond des ténèbres pour y observer l’étrange avant de vite remonter à la surface.

Les cinq comédiens incarnent chacun, avec une belle palette personnelle, leur personnage. Lucie Riedinger est une mère, jeune, sexy, bourgeoise excessive au ton si précieux mais sans être une caricature.  Pauline Choplin, une jeune fille de 17 ans, comme un frémissement permanent entre pétillement et trouble sensuel. Julien Husser, le fils blessé, distille avec une belle sincérité la haine dévastatrice que renferme son personnage. Jeff Broussoux, dans le rôle du père, est aussi convaincant quand il chausse le visage sympathique du personnage que l’autre face. François Borand qui incarne le Sdf catalyseur du drame et première victime, arrive à donner à son personnage la distance nécessaire qui en fait un porteur de douleur et de vengeance et pas simplement une souffrance.

On entre dans cette pièce par la porte de la comédie, on passe par le drame, on en sort par un clin d’œil ironique et salvateur. Une petite plongée dans un bain qui remue.

Bruno Fougniès

 

Sur les genoux de papa

De François Borand
Mise en scène de Rubia Matignon

Avec : Francois Borand, Jeff Broussoux, Pauline Choplin, Julien Husser, Lucie Riedinger

 

Mis en ligne le 24 novembre 2015

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