POIL DE CAROTTE

Théâtre de Ménilmontant
15 rue du Retrait
75020 Paris
Tél : 01 46 36 98 60

Jusqu’au 2 mai, à 14H30
– voir les jours sur le site du théâtre, à 20H30 samedi 28 mars, mardi 7 avril et vendredi 17 avril.

 

 

Voilà un spectacle pour enfant dont la tenue et le fond sont tout sauf enfantins.

Le texte de Jules Renard présente une histoire qui possède une fausse allure de conte. Il prend directement racine dans une réalité familiale âpre et réaliste, et même si les personnages sont hauts-en-couleurs, la trame est tout sauf innocente ou romantique.

Poil de carotte raconte l’histoire d’un enfant en manque d’amour maternel et paternel. Sa mère ne l’aime pas et le maltraite régulièrement, son père semble indifférent à son existence, son frère est comme un étranger. L’arrivée d’une nouvelle bonne dans la famille va briser le silence qui règne entre les membres de cette famille.

Tout se passe en un après-midi d’été, durant les vacances scolaires, dans la cour de la maison, à la campagne. On découvre peu à peu cet univers familial du point de vue du héros, celui que toute la famille appelle Poil de Carotte car tout le monde a depuis longtemps oublié son véritable prénom « …qui n’a plus été utilisé dès le lendemain du baptême » apprend-on plus tard. Pourtant, c’est un gamin aux allures insouciantes. Il joue avec les grenouilles et jette des cailloux dans un seau, heureux à la perspective d’accompagner son père à la chasse dès que celui-ci aura fini sa sieste. Mais il ne l’accompagnera pas. Sa mère, furieuse qu’il ait fait ami-ami avec la bonne qui vient d’être embauchée, lui interdit d’y aller. Mais cette fois, les langues vont se délier…

On apprend au fil de l’histoire qu’il est en fait pris en otage dans le désamour du couple de ses parents, une rivalité entre adulte qui blesse les enfants au passage. Et c’est peut-être cela qui touche et interpelle les enfants présents dans la salle : un sous-texte très proche des réalités actuelles des familles secouées par les séparations, les recompositions et la mortalité des sentiments.

Dans la salle, plus de deux cents enfants entre 8 et 12 ans font silence. Ils écoutent et regardent. Ils réagissent le plus souvent aux interventions excessivement autoritaires de la mère, ils rient, comme si les rires devaient les protéger de la cruauté de ce manque d’amour de cette mère pour son enfant. Ils régissent aussi à quelques facéties de Poil de Carotte. Le reste du temps, lors des scènes entre le héros et la nouvelle bonne ou le père, ils sont sages, attentifs.

Sur scène, peu de choses : un décor fait de simples paravents garnis de tulles qui permettent de moduler l’espace et de travailler sur les transparences pour les apparitions des personnages. Des paravents que la lumière de Tez transforme en les utilisant comme écran de projection, faisant apparaître et disparaître les murs de la maison ou la végétation de la campagne environnante. Une bande son, faite d’aboiements de chien et des bruits de la ferme, suffit à révéler la nature et l’activité villageoise du pays. Seul le fond de scène où se dresse un ciel tourmenté par l’orage indique la tension qui va éclater sur le plateau en cet après-midi qui débutait dans une si tranquille sérénité.

La mise en scène et le jeu des comédiens reste lui aussi dans une sobriété qui permet au texte et à l’histoire de toucher les esprits et de maintenir l’attention sur un texte riche en dialogue mais avare en action. Seul le rôle de la mère est un peu extravagant (très belle présence de Mylène Padoan dans une robe très collé-monté). Mais cette exubérance ne transforme pas ce personnage en stéréotype, et on pressent que la méchanceté qu’elle distribue autour d’elle n’est que l’effet de son amertume.

Un spectacle pour enfant ? Oui, un spectacle qui ne prend pas les enfants pour des êtres superficiels et qui le lui rendent bien. Mais aussi un spectacle pour adulte car il possède plusieurs lectures possibles et au moins deux facettes : celle qui fait rire et celle qui fait penser.

Bruno Fougniès

 

Poil de carotte

Texte de Jules Renard
Mise en scène Frédéric Cerdal
Costumes Olympe C. Cure
Décors Jean-Louis Rolland
Lumières Tez

Avec : Robin Barde, Josée Laprun, Serge Gelly, Mylène Padoan

 

Mis en ligne le 27 mars 2015

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