LA VIE EST UN SONGE

Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route du Champ-de-Manoeuvre
75012 Paris
Tél : 01 43 28 36 36

Jusqu’au 22 octobre
Du mardi au samedi à 20h00
Le dimanche à 16h00

 

La Vie est un songe loupePhoto Antonia Bozzi

C’est une sorte de farce, une farce métaphysique, politique, morale, une farce à trois temps. Trois chapitres d’une journée, et trois histoires qui se mêlent à des illusions pour célébrer une idée de tolérance. Une vision de la vie libérée du concret, de la réalité : ce que je vis est-il réel, est-il un rêve ?

L’histoire principale raconte l’étrange destin du fils de roi de Pologne enfermé depuis sa naissance dans une grotte car les oracles et les signes ont prédit qu’il deviendrait un roi sanguinaire, un tyran, un ingrat. Voulant tester la réalité de cette prédiction, le roi (brillamment interprété par John Arnold) décide de faire transporter son fils dans son sommeil de sa prison au château, de lui donner d’un coup le pouvoir. Une expérience quasi scientifique. Si la sauvagerie apparaît, le roi fera à nouveau enfermer son fils pour toujours. Celui-ci, ignorant sa place dans le monde, croira que cette journée passée au château n’était qu’un songe joli.

Les péripéties s’enchaînent, les histoires de différents personnages se croisent,

On retrouve ici un thème précurseur aux interrogations du siècle des lumières qui, affranchi de la vision toute faite de la religion, interroge l’homme, sa nature, son humanité, en tentant de mettre en place des expériences frappantes. Cette pièce en est une. Et tout l’art de la mettre en scène est sans doute de flirter avec l’idée maîtresse : qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est illusion, tout n’est-il pas possiblement illusion ?

Un vrai régal pour Clément Poirée qui raffole de la mise en artifice usuelle au théâtre. Il crée ici un univers claqué sur le texte : neige, montagnes arides, c’est la Pologne. Dans cette toute blanche et grise contrée, les grandes salles du château suintent de froid. Les personnages eux sont tous extrêmement typés. Pas un qui puisse se réclamer d’un naturel quelconque. Le travail des créations des personnages a dû être à ce compte très riche, intense et amusant. On sent palpiter à chaque seconde ce plaisir de jouer, d’interpréter, faire croire à ses tics, ses élocutions particulières, ses déplacements étranges.

On a alors une sorte de galerie de portraits étonnants. Dans les plus drôles, remarquables, Louise Coldefy invente une Étoile comme un croisement entre une poupée mécanique et une danseuse, Pierre Duprat,  un Astolphe borgne, fielleux et extravagant, Laurent Ménoret, un Clothalde à la lenteur presque maladive (un peu trop par moments).

Makita Samba incarne le personnage principal, Sigismond, avec une fougue et un jeu extrêmement fort, dans un style un peu plus réaliste qui nous fait mieux entendre son propos et qui nous le rend proche. Avec son père, doté de toute l’espièglerie de John Arnold, ils forment une famille en belle guerre perpétuelle.

N’était une propension à la lenteur, et du coup une durée de représentation un peu longue, la pièce fait entendre avec brio les pensées philosophiques de l’auteur de même qu’elle fait voir avec inventivité toute la comédie de la réalité qui se joue devant nous, pour nous, et parfois de nous.

Bruno Fougniès

 

La Vie est un songe

De Pedro Calderón de la Barca
Texte français Céline Zins (Le Manteau d’Arlequin-Gallimard)
Mise en scène Clément Poirée
Scénographie Erwan Creff
Lumières Kevin Briard assisté de Laurent Cupif
Costumes Hanna Sjödin assistée de Camille Lamy
Musiques et son Stéphanie Gibert assistée de Michaël Bennoun
Maquillages et coiffures Pauline Bry
Collaboration artistique Margaux Eskenazi
Régie générale Farid Laroussi
Habillage Emilie Lechevalier

Avec :
John Arnold, Louise Coldefy, Thibaut Corrion, Pierre Duprat, Laurent Ménoret, Morgane Nairaud, Makita Samba, Henri de Vasselot

 

Mis en ligne le 24 septembre 2017