LA MAISON D’OS

 

Studio d’Asnières
3 Rue Edmond Fantin
92600 Asnières-sur-Seine
01 47 90 95 33

Jusqu’au dimanche 29 mars 2020
mardi, jeudi et samedi à 19h, mercredi et vendredi à 20h30, dimanche à 15h30

 

La Maison d’os loupePhoto  © Lot

 

Roland Dubillard est un fleuron du théâtre de l’absurde à la suite de Ionesco, et de Beckett. Un style qui n’est pas né au hasard d’un délire créatif mais d’une façon de voir le monde accouché au sortir de la deuxième guerre mondiale et de ses monstruosités insensées. Une manière pour ces auteurs de répondre sur scène à cette perte de tous les repères de toutes les certitudes, et l’abandon soudain nécessaire de toute cette recherche de sens des siècles passés : oui, la vie n’a pas de sens.

La preuve avec cette Maison d’os qui fut un grand succès au moment de sa création en 1962, et qui est rarement montée depuis du fait sans doute des quatre-vingt-une scénettes et de cinquante rôles qu’elle contient. Dans une sorte de manoir bourgeois, le maître de maison sent la mort prête à l’engloutir. Autour de lui, la maison, les domestiques, toutes ces petites mains, ces petits pieds, toute cette organisation quasi organique subit de plein fouet cette mort imminente et en subit les effets dévastateurs, les interrogations. Mais cette maison, cet ordre est aussi et avant tout dans la mise en scène d’Hervé Van der Meulen, le corps vu dans sa dimension panoramique et radiographique du maître de maison.

Roland Dubillard nous offre le point de vue de ce petit personnel, de ces organes, pour raconter l’événement. Avec une écriture entre poésie et gouaille populaire, les dialogues de l’auteur des Diablogues étincellent. Une foultitude de personnages et de scénettes cavalcadent sur le plateau. A la direction chorégraphique de ces quatorze interprètes,  Jean-Marc Hoolbecq a imposé un rythme implacable qui sert totalement le développement du spectacle. Entrées, sorties, chutes et éparpillements des comédiennes et des comédiens sont comme un ballet. Mais la longueur du spectacle et l’impression de répétitions non essentielles de ce qui est énoncé mériteraient quelques coupes.

Les quatorze interprètes sont des élèves de l’ESCA, seule École nationale de théâtre par l’alternance. Ils sont jeunes, incroyablement doués, d’une rigueur et d’un investissement vital pour incarner en quelques secondes d’apparition sur le plateau ces personnages gravés dans l’imaginaire populaire mais au langage surréaliste qui renverse totalement les codes. Pour des élèves comédiens de leur génération, l’écriture et l’univers de Dubillard sont aussi lointains de leurs références au réel que la langue de François Villon, de Shakespeare, d’Eschyle. Mais ils parviennent à un naturel stupéfiant et surtout à une sorte de liberté et de bonheur de jouer qui insuffle le rire.

Au pays de l’Absurde, Dubillard choisit le rire. Les héros ne descendent ni des dieux, ni des rois, ils sont le petit personnel du grand tout. Une vision décapante et salutaire que l’on peut apprécier à sa pleine mesure avec la richesse de cette distribution, et avec ces décors où l’échafaudage côtoie la voie lactée (décors de Claire Belloc), et avec ces costumes inventifs d’Isabelle Pasquier grâce auquels la fonction du petit personnel est symbolisé par les décorations de chaque couvre-chef : mains de mannequin enchevêtrées, brosses, lavettes, balayettes décorent chaque tête, des accessoires qui accentuent encore l’esprit de folie douce et de cabaret de l’absurde qui règne au plateau.

La Maison d’Os est c’est vrai, un drôle de cabaret, ponctué tout au long de musiques et mis en scène ici avec une réelle grande distribution, par le nombre et par les talents qu’on y décèle : bref du grand spectacle porté par l’amour des mots.

Bruno Fougniès

 

La Maison d’os

de Roland Dubillard
Mise en scène Hervé Van der Meulen 
Musique originale Baptiste Allard 
Chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq 
Scénographie Claire Belloc 
Costumes Isabelle Pasquier 
Lumières Stéphane Deschamps 
Maquillage Audrey Millon Assistante à la mise en scène Shannen Athiaro-Vidal

 Avec Théo Askolovitch, Marco Caraffa, Steven Dagrou, Julien Despont, Inès Do Nascimento, Arthur Gomez, Lubin Labadie, Leïla Loyer, Juliette Maurice, Jeanne Masson, Fany Otalora, Tristan Pellegrino, Eugénie Pouillot, Soulaymane Rkiba et Hervé Van der Meulen