J’ADMIRE L’AISANCE AVEC LAQUELLE TU PRENDS DES DÉCISIONS CATASTROPHIQUES

Studio Hébertot
78 bis, Boulevard des Batignolles
75017 PARIS
01 42 93 13 04

Jusqu’au 10 mars 2019,
jeudi à 19h, vendredi, samedi à 21h, dimanche à 15h

 

J’admire l’aisance avec laquelle tu prends des décisions catastrophiques loupe 

L’époque est à la flexibilité dans le travail. Les plans de carrière sur toute une vie font maintenant partie du passé. C’est en voulant tester in vivo cette nouvelle incertitude de l’existence, que Jean-Pierre Brouillaud a décidé d’écrire cette pièce. Pour cela, il étudie et développe les bouleversements occasionnés dans un couple par le changement soudain de profession du mari.

Ils ont la quarantaine, sont tous les deux diplômés, elle, Oriane, professeur en université, lui, François, avocat d’affaire, un couple qui vit bourgeoisement jusqu’à ce que le cabinet qui emploie le mari ferme et que celui-ci se retrouve au chômage. L’action commence un an plus tard. Un an durant lequel François n’a pas trouvé d’emploi à la hauteur de ses compétences. Une année qui lui permet de sortir du tourbillon vertigineux du travail pour s’interroger sur ce qu’il désire vraiment faire. Sortir du moule. Et finalement, trouver un emploi aux antipodes de celui qu’il cherchait : il devient balayeur, enfin… « agent de la propreté urbaine » comme doit le stipuler l’intitulé du poste.

Une situation choc, extrême et comique qui permet à l’auteur d’explorer les réactions et les doutes que ce passage d’une vie à l’autre provoque dans le couple. Car celui-ci ne tire pas ses personnages vers la caricature, l’exagération, la parodie facile. Par petites touches, au fil des saynettes qui construisent le spectacle, on suit les bouleversements que cette décision provoque chez Oriane et François. Ce changement d’emploi n’est pas seulement un changement de salaire, mais aussi un changement social, une défragmentation amoureuse où l’image de l’avocat s’efface pour l’image de l’éboueur, où changer de métier signifie soudain pour l’autre un changement de personnalité.

 Le rythme est vif, bien soutenu par la mise en scène et en lumière dynamique d’Éric Verdin. Lui aussi a choisi de s’attacher à la sobriété là où l’on pourrait être tenté par les effets excessifs. Cela ne nuit pas à la drôlerie des échanges, et cela permet de s’attacher à ce couple dont l’embarcation semble sans cesse sur le point de sombrer.

Mathilde Lebrequier et Renaud Danner créent deux personnages fins et complexes, capables de surfer sur des drames, des thématiques sombres, tout en gardant le brillant de la comédie. C’est dans le même esprit qu’ils usent d’un jeu fait de légèreté, avec la distance nécessaire pour jongler avec le grave comme avec le rire. Ils permettent d’appréhender une vision assez réaliste de l’amour et des couples qui durent. Un amour qui n’est pas seulement fait de sentiments et de désir mais aussi fait de l’image de l’autre, de l’image qu’ont les proches, de la façon d’être fier de soi et de bien d’autres choses encore.

La morale de cette jolie pirouette amoureuse est qu’il y a des métiers valorisants (avocat, maître de conférences…) et d’autres qui le sont moins, mais que ce n’est pas forcément l’emploi qui rend les êtres dignes d’intérêt, mais l’être lui-même.

Bruno Fougniès

 

J’admire l’aisance avec laquelle tu prends des décisions catastrophiques

Une pièce de : Jean-Pierre Brouillaud
Mise en scène : Éric Verdin
Créations lumière et son : Eric Verdin
Costumes : Amélie Robert
Conception graphique : Aurélie Mydlarz
Musique: Xavier Deroin
Chorégraphie: André Bellout

Avec Mathilde Lebrequier et Renaud Danner

 

Mis en ligne le 4 janvier 2019