ÉCLIPSE TOTALE

Le Tarmac
159 avenue Gambetta
75020 Paris  

Jusqu’au 31 Janvier
mercredi et vendredi à 20h00, jeudi à 14h30 & 20h00, samedi à 16h

 

loupePhoto Sylvie Moris

Céline Delbecq, qui a écrit et mis en scène ce spectacle, affirme qu’une personne sur cinq a déjà été confrontée au suicide d’un proche. Le suicide reste pourtant un sujet tabou, auréolé de mystère, d’incompréhension et parfois même de honte. Le donner à voir sur une scène de théâtre est a fortiori un pari osé mais ô combien salutaire. Et c’est un chemin que l’auteure belge Céline Delbecq connaît bien car elle a déjà abordé la thématique de l’inceste ou de l’accompagnement dans la mort. Sans banalisation malvenue, sans pathos excessif non plus, Céline Delbecq trouve le juste équilibre pour faire évoluer sous nos yeux une famille anéantie par le suicide de la jeune Juliette.

Sous forme d’une quinzaine de scénettes portant chacune un titre (« vous devez la dépendre », « est ce que je dois appeler maman » ou encore « parce que »), le spectateur assiste à l’avolution des personnages dans un décor que les grandes fenêtres à jalousie et la neige tombante rendent à la fois froid et assourdi. La maison grâce à une habile scénographie est parfois vue de l’extérieur, ou bien de l’intérieur, modifiant alors notre regard sur les faits présentés. Pourtant, même vu du dehors, ce pourrait être n’importe où, ce pourrait être n’importe qui tant les questionnements et agissements des personnages sont vraisemblables. Impossibilité d’y croire, désir de comprendre, peur d’oublier, mutisme de la grand-mère, volonté de meubler chaque silence du côté du petit frère comme si les mots étaient capables de combler l’absence et le silence de Juliette. Ce petit frère, joué par la comédienne Consolate Sipérius est à la fois touchant et capable de nous dévaster tant ses paroles occupent l’espace et ses propos, pas toujours enfantins, sont percutants. Ce n’est pas pour rien que son interprète a été nominée au prix de la Critique belge 2014 dans la catégorie du « Meilleur espoir féminin », elle subjugue autant que la mère dévastée et frêle magnifiquement incarnée par Valérie Bauchau dont la justesse du jeu ne peut qu’émouvoir. Mais ce qui donne encore plus de poésie et d’émotion à la pièce est, à mon sens, la présence de Juliette - Charlotte Villalonga - tout au long du spectacle. Corps malheureux, corps pendu, corps gisant sur le sol, corps qui assiste, impuissant, au désespoir de sa famille. Et lorsqu’elle parvient à leur expliquer son geste, à dire l’indicible, c’est là sans doute le moment le plus fort de la pièce.

Aucune impression de voyeurisme dans cette pièce, aucune distance excessive non plus – nous ne sommes pas cet ambulancier, joué par Thierry Hellin, confronté quotidiennement à la mort et qui la banalise un peu maladroitement. Au contraire, la catharsis opère tant Juliette se fait écho d’autres « âmes abîmées » que nous avons parfois connues.

Ivanne Galant

 

Éclipse totale

Texte et mise en scène: Céline Delbecq

Avec : Valérie Bauchau, Thierry Hellin, Consolate Sipérius, Anne Sylvain, Charlotte Villalonga

Assistante à la mise en scène : Marion Hutereau
Stagiaire à la mise en scène : Laure Guiré
Scénographie : Cécile Balate
Assistante à la scénographie : Harmonie Garry
Création lumière : Clément Papin
Régie : Clément Papin, Isabelle Derr
Création sonore : Laurent Laigneau

 

Mis en ligne le 30 janvier 2015

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