DON JUAN, LE RETOUR

Théâtre des Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs
75001 PARIS
Du mardi au samedi à 20h, du 06 mars au 14 avril 2012
08 92 70 12 28   


Photo : Gérard Graillot

Don Juan revient, …et en plein XXIème siècle. Il a l’œil bleu et le regard sombre de David Arveiller.  De l’aveu même de l’auteur, Gérard Savoisien, c’est le comédien qui a demandé une pièce à l’auteur : en le voyant, Savoisien a pensé à Don Juan. Ce personnage créé, rappelons-le par Tirso de Molina, a été repris par Molière avec le succès que l’on sait et par d’autres auteurs depuis, le dernier en date étant, semble-t-il, Eric-Emmanuel Schmidt.

Don Juan, donc, s’est échappé des enfers, enfers glaciaux, dans le cas présent. Il débarque parmi nous : il a toujours cette foi en lui-même, cette volonté de provoquer hommes et Dieu, de séduire, également, toutes celles qui peuvent passer à portée. Il veut les charmer, en jouir puis, … les détruire (le verbe revient peut-être une ou deux fois de trop). Don Juan épilogue sur le théâtre et ses mensonges acceptés, ainsi que sur sa propre légende : « Les mythes, ça mute mais ça ne meurt pas ! » Beau parleur, souvent persuasif, Don Juan n’en finit plus d’appeler son fidèle valet (qu’il rebaptise  Sganaporello, mélange de Sganarelle et Leporello). En vain. Puis il annonce qu’il va séduire, en direct, une spectatrice. S’ensuit un jeu avec le public et cette affirmation, selon laquelle les femmes ont changé ( !) étant devenues à la fois maîtresses et maîtresses du jeu. On ne saurait mieux dire. A ce stade de la pièce (menée tambour battant par l’interprète) on se demande où va l’auteur. Cette promenade dans le mythe n’est, encore, qu’intellectuelle : on y a adjoint un peu de philosophie, quelques trouvailles.

Mais le comédien est convaincant, à force de froideur et de jubilation intériorisée. Il excelle dans l’humour au deuxième degré et dans le jeu dans le jeu puisque, à plusieurs reprises, Don Juan nous fait le coup de la confidence dont on découvre, ensuite, qu’elle n’est que simulacre. La fin de la pièce convoque une marionnette chargée d’incarner la conscience de don Juan. Celui-ci finira, comme on l’imagine, par l’étouffer physiquement.

Que retenir du spectacle, de cette heure et quart consacrée au parangon des séducteurs ? Passé un léger agacement face à une pièce qui prend son temps pour vraiment commencer, qui se baguenaude à travers les attributs du mythe et les questions que l’on se pose sur lui (rapport à la mère et à Dieu, modernité ou non, …) on est, pour finir, séduit par ce côté fourre-tout. L’écriture de Savoisien nous ménage des trouvailles - « Je n’ai jamais rabaissé les femmes, je m’en suis servi. Comme elles se servent de nous. » -  et il faut reconnaître qu’il ose. Il imagine, par exemple Don Juan en DJ ou lui fait entreprendre un voyage où la voiture a remplacé la diligence, jusqu’à l’effet final. La mise en scène d’Eric Rouquette est au service du texte, elle fonctionne au mieux.

Revenons, pour conclure au brillant interprète qu’est David Arveiller : il tient, véritablement la pièce. Il nous emmène dans cette histoire a priori improbable, aussi efficace dans ce qu’il propose que dans ce qui lui échappe. Ce côté buté, cette façon de sourire fielleusement, d’enlever sa veste ou de la remettre. Ou bien d’offrir au final un visage dépouillé, granitique. En un mot, tragique.

 

Gérard NOEL

 

 

Don Juan, Le retour

De : Gérard Savoisien
Mise en scène : Eric Rouquette
Avec David Arveiller
Conception des lumières : Antonio de Carvalho
Costumes : Pierre Talamon