DIX ANS APRÈS

 

Théâtre de Paris, salle Réjane
15 rue Blanche
75009 Paris
01 42 80 01 81

Jusqu’au 31 mars
du mardi au samedi à 21h,
les samedis à 16h30, les dimanches à 15h

 

Dix ans après loupe 

 

Yves est écrivain. Il vit depuis dix ans avec elle, cette femme qu’il a "piquée" à son meilleur copain, Pierre, un assureur. Pierre revient dîner chez eux et ce soir-là, justement, dix ans après, Yves avoue qu’elle le fatigue, qu’il en a assez.  Il compte donc sur Pierre pour atténuer les effets de son annonce : pourquoi, au fait ne la "reprendrait-il" pas ? On voit Bruno Solo, entre gêne et colère, plaidant : « Non, vraiment non, ce ne sont pas des choses qui se font ! » Une bonne partie de la pièce tourne autour de ces deux gamins attardés, ces hommes qui voient à court terme, s’arrangent entre eux, sans trop se préoccuper de ce que l’intéressée en dira. Mélanie Page est cette femme attentionnée, heureuse de la vie et dont la réaction finale sera de culpabilier. Un flash-back (bien venu) nous permet de revivre la scène-clé, celle où Yves, grâce à son prestige d’auteur, a ravi la belle à son assureur. C’est drôle. Comme sont drôles beaucoup de répliques de cette pièce plus ambigüe qu’elle veut bien le montrer.

Au boulevard classique, où l’infidétlité était sexuelle, ce qui permettait des rires gras et des amants en caleçon se cachant dans le  placard, la scène moderne nous présente des imbroglios sentimentaux. David Foenkinos excelle là-dedans, avec son sens de la formule et de la mécanique bien huilée : on se cabre un peu, bien sûr, à l’annonce du "plan" d’Yves. Et puis ça passe, ce qui est bien pire. On assiste alors à des revirements, des élans qu s’amorcent et retombent, jusqu’à ce que l’impossible se réalise : Elle revient avec Pierre, son ex’. Ils passent ensemble une nuit qui sera suivie de beaucoup d’autres. Quand Pierre se lasse à son tour,  quoi de plus naturel alors, qu’il demande à son copain Yves de lui rendre le même service ?

En auguste un peu dépressif (juste ce qu’il faut) Bruno Solo est parfait. Mélanie Page assure élégamment son rôle, mais celui qui, dans cette mise en scène tirée au cordeau, se taille la part du lion, c’est Julien Boisselier. Il est impérial, bourré de mauvaise foi, cassant, hypocrite : un manipulateur presque pathologique.

Aux interrogations, nombreuses, que poserait cette pièce et son thème... délicat, Foenkinos n’oppose que des réponses incomplètes, ce qui nous fait dire que cette pièce pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Mais le propos de l’auteur, visiblement, était de distraire et il y parvient. Quand Yves affirme à Pierre qu’il est magnifique, celui-ci objecte qu’il perd un peu ses cheveux; Réplique d’Yves : « C’est fini, l’époque des cheveux ! » De même, quand Yves qualifie la "période" passée avec elle de parenthèse, sa compagne ironise : « Une parenthèse de dix ans... ça se referme plus que ça, en général, une parenthèse ! »

Nous ne révèlerons pas, bien sûr, la fin de la pièce, fertile en surprises, notamment l’ultime pied de nez, qui la tire vers un fantastique... plus convenu.

On passe donc, pour résumer, une agréable soirée.

Gérard Noël

 

Dix ans après

De David Foenkinos.
Mise en scène : Nicolas Briançon

Avec : Mélanie Page, Julien Boisselier, Bruno Solo

Assistante à la mise en scène : Mathilde Pénin
Décors : Jean Haas. Accessoiriste : Bastien Forestier
Costumes : Michel Dussarrat. Lumières : Jean-Pascal Pracht
Chorégraphie : Karine Orts-Briançon