LES LIMBES
Teatro a Corte (7 au 17 juillet 2016)
Turin - Italie
Vu le 14 juillet 2016 au Théâtre Astra
Dans la religion catholique, les limbes sont des lieux situés en marge de l’enfer. Ni éternité béate, ni damnation torturante pour ceux qui s’y retrouvent, ils sont dans un entre-deux, une incertitude complète. Peut-être représentent-elles cet instant d’hésitation entre la vie qui nous rejette et la mort qui nous repousse. Peut-être, en fin de compte, est-ce une manière d’imaginer l’existence sur cette planète si peu ronde.
La scène est nue. Le plateau recouvert d’un immense carré de moquette noire fait corps avec la profonde obscurité du fond. Dans cet espace sans repères, la lumière et les effets scéniques vont ciseler les différents lieux de l’histoire racontée par Etienne Saglio.
Apparitions, disparitions, manipulations, magies sont ici les accessoires efficaces et porteurs de rêves, au service de la narration. Etienne Saglio est seul en scène. Une tignasse sur la tête, le visage juvénile, la démarche touristique, il semble un passant jeune et sans artifice qui vient là au hasard. Le personnage est naïf, souriant et timide (il rappelle par moment celui tout en tendresse inventé par Chaplin, ou le Grand Duduche du regretté Cabu).
Mais Etienne Saglio n’est pas vraiment seul en scène. À son bras pend une tête de marionnette vaguement squelettique surplombant un manteau rouge. Une marionnette à qui il va peu à peu donner vie. Une marionnette à taille humaine avec laquelle va s’entamer une lutte à la fois concrète, mystique, poétique et presque constamment hallucinante.
Usant d’effets de lumière, de retro-éclairages, de tulles, d’une bande son qui nous emporte dans un monde sans dates avec les arias de Vivaldi qui semblent puiser leurs émotions dans le plus pur baroque, ce spectacle prend le spectateur par le bout du nez et l’entraîne dans une suite épique, et disons-le, magique où l’esprit finit par voir l’inerte prendre vie, et la matière la plus basique aux prises avec le vivant.
C’est ainsi qu’avec de simples bandelettes de plastiques transparents malmenées par la pointe d’un sabre, le personnage de cette histoire crée le rêve qui s’envole sous nos yeux vers les cintres. C’est aussi comme cela que soudain la marionnette et l’homme en viennent aux mains, sous nos yeux, dans un corps à corps magnifié par la chorégraphie.
Etienne Saglio invente dans ce spectacle une vision poétique de la lutte de l’humain contre la bêtise d’un monde qui veut imposer la nécessité de choisir de participer. C’est le combat entre le crédule et l’incrédule. La lutte pour garder ses rêves intacts et le refus de participer aux violences réclamées par les autres, la société, la vie. Un immense appel aux rêves, aux illusions et à la poésie vivante. En actes.
Dans ce déferlement d’effets visuel, l’utilisation de la pratique de la marionnette, de l’art du cirque et de la magie, ce spectacle parvient à créer un univers dramatique et à développer une véritable histoire, palpitante, expressive, fascinante, qui touche, émeut et émerveille.
Bruno Fougniès
Les Limbes
Auteur Etienne Saglio
Écriture et regard extérieur Raphaël NAVARRO, Valentine LOSSEAU
Création Lumière Elsa REVOL
Régie Plateau Laurent BEUCHER, Vasil TASEVSKI, Simon MAURICE
Jeu d'acteur Albin WARETTE
Costumes Anna le Reun
Composition musicale Oliver Dorell
Interprète : Etienne Saglio
Prochaine date annoncée : Théâtre de Sartrouville le vendredi 19 mai 2017 à 20h30
Mis en ligne le 21 juillet 2016