Quelque chose d'une déconstruction pour découvrir ce qu'est l'homme, en lui enlevant pas à pas ses allures d'homme, sa démarche, sa tenue, jusqu'à sa forme physique.

Un danseur seul traverse la scène dans un couloir de lumière. Un passant singulier qui va, se retourne, retourne sur ses pas, se retourne encore comme interpelé par un son, mais cette fois, seul son buste tourne, puis ses hanches, ses jambes, et il va. Et se retourne encore, si désarticulé qu'il semble que ses jambes suivent leur route tandis que le buste est attiré en sens inverse. C'est ainsi que le spectacle de Alpo Aaltokoski débute comme la quête d'un humain qui croit aller de l'avant et est happé de plus en plus par quelque chose qui l'appelle du passé, du profond, du Deep.

La rectitude initiale laisse bientôt place à des déplacements dans un espace cartographié par des carrés de lumière. De l'un à l'autre, le danseur plonge de plus en plus loin vers une sorte d'animalité, un retour aux sources de la physiologie, dans une recherche de parenté avec les êtres vivants qui nous entourent. Le corps du danseur se transforme à vue : les muscles et les os saillent à travers la peau, les articulations s'inversent, les images d'animaux vivants ou disparus naissent dans les imaginaires.

Alpo Altokoski travaille depuis des dizaines d'années en Finlande. Il est inspiré par les grands thèmes humains de la vie, de la mort, du désir de laisser une trace mais aussi de la confrontation de la vie privée avec la communauté. Il s'implique également dans des actions sociales à but éducatif. Nombre de ses chorégraphies ont été jouées à l'international. Il prouve avec celle-ci, qu'à plus de cinquante ans, un corps peu garder d'énormes capacités de souplesses et d'intensité.

En effet, Alpo Aaltokoski montre avec ce spectacle une surprenante mobilité et une étrange capacité à transformer son apparence. Il tente d'exprimer par cet exercice la superficialité des différences qui tentent de mettre des barrières entre les êtres et les espèces. En gommant peu à peu la forme humaine, visible, reconnaissable, il tente de nous ramener vers le monde fraternel dont nous faisons partie : le monde animal. « Tenter de montrer que sous la peau, la même ossature est partagée entre tous les êtres vivants. » dit-il.

La deuxième partie du spectacle est une vidéo retraçant la même recherche, une vidéo qu'il a créée il y a 15 ans et qu'il confronte avec sa performance actuelle en live.

Il est dommage que cette vidéo basée sur la même recherche chorégraphique, soit trop explicite et redise simplement le propos de la première partie à l'aide d'illustrations d'animaux en incrustation : le simple collage, à la suite, du vivant et de la projection, laisse comme un goût d'abandon.

Bruno Fougniès

 

Deep

Création lumière : Matti Jykylä
vidéo : direction: Milla Moilanen,

danse : Alpo Aaltokoski,

editing : Raimo Uunila,
animation : Milla Moilanen,
photographie : Keijo Kivioja, Milla Moilanen,
musique : Miikka Kari, Epa Tamminen
Chorégraphie et danse : Alpo Aaltokoski