Petit théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
01 42 80 01 81
Du mardi au samedi à 21h, le samedi à 17h et le dimanche à 15h
À voir le décor, on se croirait dans les années 50, avec chaises en formica, frigo arrondi, canapé fleuri et lampadaire en bois, n'étaient une télé à écran plat et une mini-chaîne qui trônent l'une à cour l'autre à jardin. Tout est parfaitement rangé.
Au mur une affiche, celle de Clash où Paul Simonon détruit sa guitare basse et des photos de Amy Winehouse.
On sent une atmosphère dès le premier regard, à la fois de pauvreté assumée et de révolte que Jacques Voizot le décorateur a parfaitement rendue.
Et c'est dans ce décor « banal à pleurer » que vont évoluer les personnages. Si je vous dis : Sally, sans travail, qui assume la charge de Jill, sa jeune sur, autiste depuis qu'elle a assisté au suicide de sa mère à l'âge de deux ans, Ruby, la copine, chassée par ses parents et qui comme elle le dit crûment – elle parle souvent crûment Ruby – « fait la pute au téléphone » pour gagner trois sous, Gaven, un colosse un peu balourd amoureux de Sally
depuis l'enfance, vous allez vous attendre à un sombre mélo.
Eh bien pas du tout. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, on rit énormément tout au long du spectacle.
L'auteur, Clément Koch, ne nous épargne rien des maux de notre société : il nous parle de misère, de chômage, de services sociaux inadaptés, d'un monde où la seule échappatoire est le match de foot du club, du problème des mères porteuses, du désir d'enfant de couples homosexuels. Mais il procède par petites touches, à la façon des impressionnistes, et surtout, ;doté d'un bel humour, il traite le sujet sans misérabilisme ni pathos, et nous
balade avec talent dans toute une gamme de sentiments en nous faisant d'une pirouette éclater de rire alors qu'on est au bord des larmes, par une réplique incongrue ou un rebondissement inattendu.
C'est formidablement écrit et interprété.
Élodie Navarre est une Sally d'une justesse remarquable, les nerfs à fleur de peau, Constance Dollé apporte fougue et drôlerie au personnage de Ruby. Quant à Léopoldine Serre elle est tout simplement bluffante dans le rôle difficile de la jeune autiste.
Les autres comédiens sont à l'unisson, et on se sent immédiatement pris dans leur histoire.
Il faut dire que la mise en scène de Stéphane Hillel y contribue beaucoup : tout sonne vrai, les gestes, les attitudes, ce sont pleins de petits détails, de gestes du quotidien accomplis naturellement qui font qu'on est en complète immersion, la casserole fume sur le fourneau, on entend le glougloutement de la cafetière électrique, Sally range les courses, ouvre le frigo, mange un yaourt alors qu'on est en plein drame.
Je ne suis habituellement pas fan des introductions de vidéos dans un spectacle vivant, mais là, le fait de représenter ainsi la mère défunte est particulièrement bienvenu donnant ainsi une dimension supplémentaire.
Quand l'histoire est finie, que les personnages ont disparu dans la coulisse, on reste encore longtemps avec eux par la pensée.
Voilà une des pièces les plus remarquables de cette rentrée, une de celles qu'on n'oublie pas.
Nicole Bourbon
Sunderland
De Clément Koch
Avec le soutien de l'Association Beaumarchais SACD.
Avec Elodie Navarre, Constance Dollé, Léopoldine Serre,Vincent Deniard,Vincent Nemeth, Thierry Desroses, Pascale Mariani et la participation de Bénédicte Dessombz.
Mise en scène : Stéphane HILLEL
Assistante à la mise en scène: Chloé Simoneau
Décor: Jacques VOIZOT
Musique: François PEYRONY
Lumières: Laurent BEAL
Costumes: Cécile MAGNAN
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