|
|
L'Essaïon
Avec Clémentine North, Eve Nottet, Gaël Albespy ou Olivier Banse, Loïc Chalumeau, Frédéric Roger, Jean-Louis Stanek, Michaël Hernandez.
Le plaisir de redécouvrir Molière
Voilà une version des Précieuses ridicules qui aurait plu à Molière tellement on y retrouve cette satire féroce de la société toujours présente dans son œuvre. Ici, les personnages sont ridicules bien sûr mais en même temps touchants dans leur désir effréné de s'élever dans un monde dont ils ne possèdent pas les codes et qu'ils tentent maladroitement de copier. Dans le cadre magnifique du théâtre de Verdure du jardin Shakespeare au Bois de Boulogne, Gaël Albespy met en scène une version tout à fait réussie de cette célébrissime pièce. C'est drôle, truculent, imaginatif, dynamique, excessif, ça crie, ça court, ça se bouscule, ça tombe, c'est joyeux, vivant, impertinent et d'une modernité jubilatoire. Le metteur en scène utilise intelligemment les possibilités de ce décor exceptionnel, les personnages surgissent de tous côtés, descendent les escaliers de pierre, rejoignent le public, dévalent un sentier, parcourent la scène en tous sens au fil d'entrées et sorties réglées au cordeau. Les comédiens sont épatants: Gaël Albespy, non content de signer la mise en scène, interprète également plusieurs rôles : il est La Grange, puis un laquais courant avec une chaise à porteur, puis la servante Marotte, redevient laquais, puis La Grange puis Marotte de nouveau, c'est un vrai tourbillon. Bonne idée que d'avoir affublé les deux précieuses, Clémentine North et Eve Nottet, toutes deux parfaites en faisant preuve d'un abattage sans faille, l'une d'un accent du Nord l'autre du Sud, représentant ainsi leurs provinces. Frédéric Roger est un père et oncle complètement exaspéré et dépassé par ces deux filles. Jean-Louis Stanek interprète avec maestria un Jodelet ivre à souhait. Loïc Chalumeau campe quant à lui un Mascarille étonnant. Il joue, esquisse des pas de danse, chante dans un bel anachronisme son madrigal sur un air de Carmen, virevolte à donner le tournis. Voilà une belle occasion pour des jeunes de découvrir un Molière vivant, loin des livres scolaires et pour les autres de le redécouvrir. Il ne reste plus que le week-end prochain pour voir cette version décoiffante d'un classique d'une étonnante modernité. Alors ne la manquez pas.
Nicole Bourbon
|