Théâtre de la Colline,
15 rue Malte-Brun
Paris, 20ème
01 44 62 52 52
du 04 Novembre au 09 Décembre 2011
du mercredi au samedi à 20h30
le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Sensible aux univers d'auteurs nouveaux, Stéphane .Braunschweig a la bonne idée de monter « Je disparais » du jeune (il est né en 1968) écrivain norvégien Arne Lygre. Il y a du Beckett, chez cet auteur, ou du Maeterlinck, dans la profération répétitive qui crée, in fine, du sens : Elle est là ? Oui, elle est là. Elle est vraiment là ? Oui, la voilà ! On pense à Fabrice Melquiot, également, avec cette façon de commenter ce que l'on fait, de rentrer dans la fiction théâtrale
par la seule
magie de la parole. Par les rebondissements assumés, le côté aventures.
Le sujet ne prête pas à rire : il s'agit d'un couple d'âge moyen qui se « manque ». Devant fuir un ennemi, ils se sont donné rendez-vous et l'un ne vient pas. La femme continue donc sa route avec pour seule compagnie une amie et la fille de celle-ci. Elles ont des vêtements d'extérieur, des valises de voyage qui deviennent celles de l'exil. Rendons ici hommage au metteur en scène et au scénographe, les décors fonctionnent et sont, qui plus est, de toute beauté. Qu'il
s'agisse de la
chambre « zen » du début ou du port, voire de la plage, tout est magnifique et envoûtant. La bande son secoue, elle, par son réalisme.
Le procédé d'identification à un ou plusieurs personnages qu'on évoque, fonctionne une fois, deux fois, jusqu'à la mer, à peu près, et on attend la suite. Que va-t-il se passer ? Des projections sur écran nous tiennent au courant du temps qui file : Un moment après. Le lendemain. La semaine suivante ou l'année suivante. C'est fort intelligemment, malgré quelques longueurs, que Lygre joue de toute la gamme des possibles en la matière. Il opte pour le commentaire, pour
l'aventure pure,
souligne avec humour un effet, nous replonge dans le drame l'instant suivant, il y a là une maîtrise impressionnante.
Les comédiennes, Braunschweig les a dirigées en leur faisant allier gravité et légèreté, ce qui sert le propos de l'auteur : Annie Mercier joue « moi », c'est le nom de son personnage. Son physique robuste et sa voix lasse (de tant de fumée, ou de paroles ?) nous entraîne dans l'imaginaire du personnage, sa gaieté forcée, son courage aussi. Luce Mouchel (qui joue « mon amie ») est fragile et forte à la fois. Un regard battu, une allure de vieille petite fille qui
ne va pas lâcher
sa copine, surtout pas, sauf que...
Bonne prestation de Pauline Lorillard (« la fille de mon amie ») et d'Irina Dalle, dans le rôle d' «une étrangère ». Les naïades sont très bien également et nous n'aurions garde d'oublier un habitué du lieu, Alain Libolt qui se fond dans le rôle de « mon mari ». A la fin, l'espace s'est démultiplié et rétréci pour « moi ». Dans cet étrange monologue final qui révèle tout et dont nous ne dirons rien de plus, Libolt s'impose, avec son élégance, sa sobriété,
cette façon lasse
de faire un geste ou de sourire tristement.
Si A.Lygre a eu une pièce mise en scène par Claude Régy en 2007 (Homme sans but) il reste confidentiel. La Colline joue donc efficacement son rôle, celui, entre autres, de favoriser les découvertes. En bref, Braunschweig a fait de l'excellent travail et le spectacle mérite le détour.
Gérard NOEL
"Je disparais" de Arne Lygre
mise en scène et scénographie
Stéphane Braunschweig
avec
Irina Dalle, Alain Libolt, Pauline Lorillard, Annie Mercier, Luce Mouchel
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