ENTRE DEUX ILS

Au théâtre de l'œuvre,
55 rue de Clichy,
75009 PARIS
01 44 53 88 88

Du mardi au samedi à 21h. Dimanche : 15h30. Samedi suppl. à 18h30

Ça commence comme une pièce moderne classique : en scène, un couple bobo, Rémi et Claire. Ils sont mariés depuis quinze ans. Il rentre crevé du boulot, elle se répand en attentions, lui proposant un jus de légumes puis une bière tandis que le repas est déjà prêt. Amoureux et démonstratifs, ils passent assez vite au lit. Le lendemain, choc ! elle le quitte. Premier élément incongru quand, à ses demandes répétées d'explications, elle oppose une organisation béton pour la vie future de son cher et tendre. Plus tard, elle entre dans une librairie (nous sommes à Toulouse, cette fois) et finit par s'y faire engager. Alors ? Alors rien, bien sûr, ne se passe comme on s'y attendrait. Entre un patron laconique et des rangements à faire, Claire trouve enfin la sérénité et l'épanouissement. Mais Rémi, finit par la retrouver.

Dans un décor somptueux, l'auteur agite des personnages plus vrais que nature. Elle a le chic pour capter l'air du temps, la différence des niveaux de cultures, la marque du passé, la cérébralité dans laquelle on peut se réfugier pour éviter de se regarder en face. Elle n'écrit pas un texte drôle, mais il EST drôle, car sensible et bien vu.

Comment Rémi va s'incruster dans la librairie et tenter de nouer une relation amicale avec ce libraire décidément bougon, comment nous finirons par avoir la clé de ces énigmes, disons simplement qu'il faut le voir pour le goûter pleinement. Ce qui est le cas, car plus la pièce avance, plus la jubilation grandit : tout est simple et subtil, dessiné par petites touches. Michel Laclos, la fameux verbicruciste trouve là un regain de célébrité, on évoque au passage le métier de libraire  et la littérature, bien sûr, qu'elle soit grande ou « de gare ». Un violon jouera son rôle d'objet transitionnel, explication psychologisante sur laquelle l'auteur a la finesse de ne pas insister trop. On aura compris également la différence entre battre et palpiter, ce qui n'est pas si mal.

Tout ceci donne probablement une pièce agréable à lire, mais les metteurs en scène José Paul et Agnès Boury en ont fait une petite merveille, grâce, surtout aux comédiens. Dans le rôle du mari Rémi, Eric Savin trouve un rôle à sa mesure : il y est lunaire et émouvant, haussant le ton, par moment, pour ne pas craquer. S'évanouissant avec un parfait naturel et suggérant, par la seule malice de son regard, qu'il reprend pied dans la vie. Toute en sourires mais tendue vers sa quête, Lysiane Meis est parfaite. Une mention spéciale pour Bernard Malaka dans le rôle du libraire. Voilà un comédien qui pousse le talent jusqu'à ne pas donner l'impression qu'il joue : il est, tout simplement la partie masculine d'un couple improbable, ce libraire toulousain pince sans rire et avare de paroles. .

Sans grand nom d'auteur (Isabelle Cote fait ici ses débuts d'auteur de théâtre) sans nom de star, le théâtre de l'œuvre a choisi de monter cette pièce.

Une raison supplémentaire d'y courir.

 

Gérard NOEL

 

Auteur : Isabelle Cote

Artistes : Lysiane Meis, Bernard Malaka, Eric Savin

Metteur en scène : José Paul et Agnès Boury