L'APPRENTIE SAGE-FEMME

AU THEATRE DU LUCERNAIRE - Salle "Le Paradis"

53, rue Notre-Dame-des-Champs

75006 Paris
Tel :: 01 45 48 91 10
Du 02 novembre 2011 au 31 décembre 2011. Du mardi au samedi.

En plein coeur d'une Angleterre médiévale, rurale et superstitieuse, une orpheline de 12, 13 ou 14ans (personne ne le sait, même pas elle), raillée de tous et notamment des enfants du village, va apprendre petit à petit à trouver sa place dans ce monde rustre. Lors de cet intense voyage initiatique et sous la férule de la "Pointue", une sage-femme revêche à l'air imposant qui l'accueille sous son toit en échange de quelques menus travaux puis d'aide dans son métier d'accoucheuse, cette enfant sans nom, qui avait l'habitude non seulement d'errer de hameau en hameau en quête de nourriture mais aussi de dormir dans un tas de fumier pour avoir chaud, passera du stade du "Cafard", la maltraitée, à la "Morveuse", la méprisée, pour se transformer en "Alice" au ventre plein et au cœur satisfait, celle qui a réussi à aider à donner la vie et aussi à la sauver.

Tirée du roman éponyme de Karen Cushman, l'adaptation de Philippe Cubrézy est une parfaite réussite sur tous les points. Le choix d'utiliser des mots simples (mais pas simplistes), drus, rudes voire bourrus peut surprendre au début mais s'avère surtout très judicieux, inventif et intemporel. Le parlé qui se veut premier et non primitif fuse sans retenue telles des rafales de ressentis et nous plonge ainsi directement dans l'essentiel des images et du récit pour notre plus grand plaisir.

Nathalie Bécue, qui campe non seulement la Narratrice, la "Morveuse" mais aussi tous ceux et toutes celles qui compose son univers, est magistrale. Avec toute l'énergie de son ventre, de son regard et de ses poings, elle réussit à faire exploser toute la crasse de ses personnages pour leur rendre toute leur lumière. Elle porte aux nues avec force, maestria et brio un texte très difficile malgré les apparences,  tout en nous faisant vivre, malgré l'absence totale de décor et avec très peu d'accessoires, tout un univers rempli de sons, d'émotions; d'odeurs, de sensations que son personnage ressent: on a faim quand la "Morveuse" a faim, on a froid, on a mal quand la "Morveuse" a froid ou a mal...

La mise en scène de Félix Prader tout comme la création-lumière de Cyril Hamès respecte à merveille cette volonté de sobriété générale: on va droit au but sans artifice, de façon quasiment crue. Ils se jouent de notre imagination pure pour nous faire aller au-delà de cette réalité proposée en nous renvoyant à notre propre identité.

Ce bel ensemble mérite une belle et longue vie sur les planches car bien que ce récit se déroule au Moyen-Âge, c'est un Conte terriblement moderne qui est présenté. Le récit d'Alice est certes une belle réflexion sur l'accueil, l'adoption et l'acceptation dans une "famille " au sens très large du terme mais il nous parle aussi du sortir de l'enfance, ses doutes et son passage de l'état de larve à celui d'adulte en affirmant son nom, son visage, son corps et ses buts malgré les coups et les doutes. Le récit d'Alice, c'est le récit de tous ceux et toutes celles qui veulent faire quelque chose de leur vie, envers et contre tout... envers et contre tous.

 

Bref, courez-y!!!

 

Jérôme BAILLET

     

Adaptation de Philippe Crubézy d'après le roman éponyme de Karen Cushman

   Mise en scène ....... FELIX PRADER

   Interprétation ......... NATHALIE BECUE

   Lumières .............. CYRIL HAMES