Au Vingtième théâtre,
7 rue des Plâtrières
75020 PARIS
01 43 66 01 13
À priori, tout semblait partir idéalement : la metteuse en scène, Frédérique Lazarini, dont nous suivons avec intérêt le travail, et Rayhana, comédienne et aussi auteur de « A mon âge, je me cache encore pour fumer ». Que du bon.
Même l'auteur, Aziz Chouaki, célèbre pour avoir écrit « les oranges », semblait celui qu'il fallait pour répondre à cette commande. Débarrassons-nous tout de suite de ce qui fâche : l'histoire, hélas, est,
disons, légère. L'Occupation ayant eu son « Atelier », on aurait rêvé de son équivalent pour les années 60 et la crise algérienne. Ici, Chouaki insiste peu sur ce qui pose problème et aurait donné des enjeux plus forts au spectacle :la xénophobie,
par exemple, puisque le personnage principal est une Algérienne installée dans le midi. Les relations hommes femmes sont juste esquissées,
Finalement, cela doit faire partie du projet de l'auteur. Comme il le dit lui-même : « la pièce pose un regard de tendresse sur l'identité, sur la singularité de l'identité à travers le cas d'une intégration particulière, celui d'une Algérienne ».
On peut alors, sans peine, apprécier la mise en scène déliée et inventive de Frédérique Lazarini, cet art qu'elle met à enchaîner les moments de tension ou de légèreté, ou bien d'isoler un personnage de façon dramatique (voir le monologue de Rayana). Le petit peuple marseillais est vivant, qu'il s'agisse du mari de Mimi, Didier Lesour ou bien des jeunes filles, Amélie Gonin et Elsa Agnès. Les garçons sont convaincants : Fabrice Josso en calme raisonneur et surtout
Ian Fenelon dans son rôle de prolo en salopette. Nous ne dirons pas qu'il a un physique ou un jeu années 60, ce serait absurde, mais il nous fait sans effort sentir l'époque : il entre, commande un pastaga et on y croit. Quant à Lydia Nicaud, elle hante la scène avec une présence absente très étonnante.
Le choix du café comme lieu unique est plutôt bien venu : où ailleurs peut-on se rencontrer, se confier, faire la fête, régler des comptes, ou les vérifier ? Où, mieux qu'ici, bâtir une pièce chorale (c'est le terme à la mode, mais dans le cas présent tout se justifie). On assiste ainsi à des petits événements ou non événements, jalousie d'amoureux, préparation d'un bal, passage du permis de conduire, Bien sûr, c'est l'ambiance qu'il était important d'installer.
Si on excepte les termes « bombasse » ou « calculer », qui font un peu trop contemporains, le reste a le charme rétro qu'il faut : on signale une P.6O mal garée et surtout, surtout, toute la partie musicale est composée de vieux rocks chantés excellemment en direct. Nous finirons donc en nommant celui qui met le feu à la salle, et à plusieurs reprises, le crooner rocker à la banane brillantinée, Ricky Norton, à qui le spectacle doit beaucoup.
Et Rayana, me direz-vous ? Rayana ? Son naturel, un peu forcé au début, se fond assez vite dans le déroulement de l'histoire : elle est bougonne, tendre, enthousiaste, menant son petit monde à la baguette, un peu à la façon d'une Girardot ou d'une Magnani. Elle est très bien.
Gérard NOEL
Auteur : Aziz Chouaki
Artistes : Rayhana, Ricky Norton, Elsa Agnès, Ian Fénelon, Amélie Gonin, Fabrice Josso, Didier Lesour, Lydia Nicaud.
Metteur en scène : Frédérique Larazini
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