BISTRO

Théâtre de l'œuvre,
55 rue de Clichy,
75009 Paris
01 44 53 88 88
Jusqu'au 18 décembre
mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 21H00, samedi à 18H30, dimanche à 15H30.

Un café (un bistro, plutôt) sur le point de fermer, une soirée organisée par Jo, la patronne et Fred, un photographe qui reste, – pour un dernier au revoir. Et une première déclaration. Voilà le début de la pièce concoctée par Marie Piton et Sylvie Audcoeur, également comédiennes. C'est une pièce légère, qui ne recule pas devant l'attendrissement (il faut ce qu'il faut), une pièce qui ne révolutionne rien mais qui va doucement son chemin. Fred arrivera-t-il à se faire aimer de la jeune patronne ? Celle-ci résoudra-t-elle son vieil Œdipe caché dans le placard pour aborder, sereine, la suite de son existence ? Malgré la minceur de l'argument, on peut se laisser prendre à cette chronique.

Les auteures, avisées, ont prévu le personnage de Camille, venue donner un coup de main. Elle, c'est une croqueuse d'homme, l'antithèse de Jo. Elle est vive et positive. Avec Anne-Rose, ancienne employée du bistro, elle sera le révélateur, le catalyseur de toute l'action.

Serait-ce une histoire de filles ? Ça y ressemble. Dès que le trio est mis en place, Jo, Camille et la touchante Anne-Rose, ce seront des confidences, des tensions évacuées ou non, des papotages sur la vie sexuelle de telle ou telle, (attirant les gloussements de la partie féminine du public). Arpentant la scène, bricoleur maladroit en « marcel », Fred (le solide Alexis Desseaux) est d'abord dépassé, avant de réagir et de prendre « les choses en main ».

Au passage, on aura admiré le décor, son comptoir massif et porteur de tant de secrets, la branche de cerisier qui domine la scène et dont l'origine, russe, sera précisée en cours de route. On aura remarqué le pianiste, aussi, derrière son instrument et goûté les chansons qui rythment le spectacle :

« Un bistrot qui pleure / c'est comme un saule, – »

ou « Aimer beaucoup / c'est aimer peu, – »

ou encore : « Les souvenirs se rangent / dans des cartons / et pèsent un poids étrange, – » Il y a du Anne Sylvestre dans cette poésie qui tourne rond, avec ses mots de tous les jours et sa persistante mélancolie.

De même, on peut penser à une « Cerisaie » en mineur, dans cette évocation douce-amère d'un lieu que l'on quitte, un lieu porteur de mille et un souvenirs. On suggère aussi que ce départ, comme tous les départs, sera le début d'autre chose. Un genre de renaissance.

Tchékhov aurait hésité à écrire cette scène de beuverie (qui évoque « les tontons flingueurs ») mais son ombre bienveillante a inspiré les auteures qui ne sont jamais aussi bonnes que quand elles suggèrent, qu'elles évoquent sans insister. Michèle Simonnet a une présence qui fait du bien tant elle rappelle nombre d'autres spectacles où on a pu l'applaudir. Marie Piton colle à son rôle. Sylvie Audcoeur s'est servie sur un plateau : elle nous offre un jeu nuancé et tenu, tout un cheminement de son personnage qui fait, in fine, chavirer la salle.

 

Gérard NOEL

 

Auteur : Marie PITON , Sylvie Audcœur

Metteur en scène : Anne Bourgeois

Avec Sylvie Audcœur , Michèle SIMONNET , Alexis DESSEAUX , Marie PITON