LA TRAVIATA
Château de Castelnau-Bretenoux
le jeudi 11 et le samedi 13 août
Représentations à 21 h 30
Quelle Traviata ! Et pourtant j’en ai vu des versions, mais celle-là m’a bouleversée comme jamais.
L’ouverture bien connue commence par le thème musical lancinant de la fin. Olivier Desbordes qui ausculte les œuvres comme personne va jusqu’au bout de la situation et nous présente tout du long une Violetta à l’agonie qui se remémore sa vie. Les scènes revivent devant et dans ses yeux, ajoutant ainsi à l’intensité de l’œuvre dramatique.
Et c’est une autre Violetta, muette, expressive uniquement dans ses gestes à l’instar des films muets, qui la représente sur scène tandis que la Violetta mourante chante, filmée en direct et qu’on peut lire sur son visage en gros plan tous les sentiments qu’elle éprouve et éprouvait. Du grand art et on peut saluer comme le public l’a fait à la fin dans une immense ovation l’interprétation exceptionnelle de Burcu Uyar, qui joint à des qualités vocales hors du commun un talent de comédienne stupéfiant. Et je comprends mieux ce que me disait hier Olivier Desbordes parlant de « pari sur son investissement scénique ».
Présente du début à la fin, avec cette caméra qui la scrute en permanence, chantant parfois assise, parfois couchée et qui plus est en plein air, elle est Violetta du début à la fin, belle et tragique, frémissante, éperdue d’amour, de lassitude, d’espoir puis de désespoir, livrant là sans jamais laisser soupçonner l’effort que cela exige, une incroyable performance qui nous touche droit au cœur.
Les références au cinéma muet abondent, les costumes sont en noir et blanc, avec parfois des flashes de rouge, la gestuelle suit, la Violetta d’avant a des allures de Louise Brooks, belle composition pas facile non plus de Fanny Aguado, sur l’écran, image en noir et blanc là aussi, on ne perd pas une miette des sentiments qui agitent la Violetta mourante.
Dans cette troisième mise en scène, et je ne regrette pas de les avoir vues dans cet ordre, Olivier Desbordes joue le thème du masque à son paroxysme, avec les Pierrot et Colombine d’un carnaval terrifiant (superbes maquillages signés Pascale Fau) et à la fin la Violetta d’avant qui git un long moment au sol tel un pantin désarticulé. Le masque est tombé. Violetta n’est plus qu’une femme sans son vernis de façade, rejetée par ses anciens « amis ». C’est d’une cruauté absolue et grinçante, et en même temps, quel bel hommage aux femmes. Car les hommes ne sont pas à leur avantage, plus soucieux d’eux que de la pauvre Violetta, larmoyant sur eux mêmes, ne la considérant qu’à travers ce qu’elle peut leur apporter.
Il faut souligner aussi la qualité de l’orchestre emmené de main de maître par un Gaspard Brecourt survitaminé et qui parvient en formation réduite à rendre toute la puissance de la musique de Verdi.
Une soirée exceptionnelle dans le cadre tout aussi exceptionnel du château de Castelnau.
Nicole Bourbon
La Traviata
De Giuseppe Verdi
Livret de Francesco Maria Piave d'après le roman d'Alexandre Dumas fils
Mise en scène Olivier Desbordes
Assisté De Benjamin Moreau
Direction musicale Gaspard Brecourt
Avec
Burcu Uyar :Violetta
Fanny Aguado : Violetta muette
Julien Dran : Affredo
Christophe Lacassagne : Germont
Sarah Lazerges : Flora
Éric Vignau : Gaston
Matthieu Toulouse : Le Docteur Grenvil
Yassine Benameur : Baron Douphol
L’ensemble Opéra Éclaté
Mis en ligne le 12 août 2016