JOUR 3 – Julien GONZALÈS et Nicole CROISILLE

En route pour un spectacle du Off, direction Saint-Jean Lagineste, petite commune d’environ 350 habitants, située à 455 m d’altitude, ce qui nous vaut une nouvelle petite grimpette sur une route en lacets mais qui offre elle aussi un panorama époustouflant comme la région en a le secret.

 

Panorama sur la région de Saint-Céré loupePhoto Claude Bourbon

Madame la maire Monique Martignac reçoit chaleureusement le public sans manquer de faire remarquer que le spectacle a lieu dans la salle des Fêtes au demeurant charmante au lieu de l’église comme elle le souhaitait, l’autorisation ayant été refusée, la demande n’étant apparemment pas arrivée assez tôt ! Joies de l’administration française !

Cela n’entame pas sa bonne humeur et le spectacle peut commencer.

 

JULIEN GONZALÈS : DU BAROQUE AUX MUSIQUES ACTUELLES

 

Julien Gonzalès, je l’avais découvert l’an dernier toujours au festival off de Saint-Céré.

Le revoici cette année, l’air toujours aussi juvénile malgré ses vingt-huit années dont vingt en compagnie de son accordéon ! C’est qu’on n’arrive pas à son niveau sans travail ni de longues heures les doigts sur le clavier.

 

Julien Gonzalès loupePhoto Claude Bourbon

Avec toujours la même virtuosité impressionnante, il ne cesse de faire découvrir les possibilités de cet instrument si souvent cantonné aux petits bals du samedi soir.

Et il nous démontre avec un brio époustouflant qu’il convient fort bien à la musique classique avec ses deux claviers chromatiques rappelant le jeu du piano.

Que ce soit Rameau, Scarlatti, Mozart ou encore Vivaldi, tous ces compositeurs sont respectés à la lettre, à la note devrais-je écrire, Julien n’ayant rien changé aux partitions d’origine.

Ses doigts courent à une vitesse folle sur les claviers, tandis que passent sur son visage toutes les émotions qu’il ressent. Et nous fait ressentir aussi comme dans le superbe et poignant morceau « Impasse », qu’un compositeur a écrit suite au décès de sa nièce, et où l’on passe de l’espoir et de la joie lors des rémissions à la colère et la tristesse. L’accordéon alors pleure, s’emballe, crie, proteste, sanglote dans une longue plainte lancinante qui s’élève dans la violence de la douleur puis qui s’éteint comme à bout de forces. C’est d’une implacable et intense beauté qui vous met les larmes aux yeux.

Revenant à une musique plus traditionnelle, le jeune artiste nous emmène ensuite en Russie avec un chant russe enrichi de variations, qui commence lentement , puis tournoie, prend de l’ampleur, s’envole.

Une musique qui donne envie de danser, d’ailleurs il n’est qu’à regarder le public, les pieds s’agitent, les doigts pianotent sur les cuisses, les têtes dodelinent battant la mesure.

Julien se saisit alors d’un autre accordéon, plus petit, qui a celui-ci des accords composés à la main gauche. Il nous joue du jazz, hommage à Nougaro, Django Reinhardt, Stéphane Grapelli pour attaquer ensuite un morceau plus lent, « La liberté est une fleur » de Richard Galliano qui fut interprété par Zizi Jeanmaire, un de ces morceaux qui vous met le cœur à l’envers et vous envoie de grandes bouffées de nostalgie.

Il termine par une valse de sa composition, et lorsqu’il salue, trempé de sueur (les instruments pèsent quand même une bonne quinzaine de kilos !), le public enthousiaste lui fait une véritable ovation, façon de le remercier pour ce moment exceptionnel passé en sa compagnie et en celle de ses deux compagnons à soufflet auxquels il sait si bien redonner leurs lettres de noblesse.

Retour à Saint-Céré où nous allons écouter Nicole Croisille à la Halle des Sports au lieu du château de Castelnau, le temps incertain ne permettant pas un spectacle en plein air.

 

NICOLE CROISILLE CHANTE NOUGARO :
NOUGARO, LE JAZZ ET MOI

 

Nicole Croisille, j’avais eu le plaisir de l’interviewer l’an dernier

Et je la retrouve sur scène comme elle m’était apparue alors, toujours pleine de vitalité, d’un dynamisme incroyable, avec une force, une agilité, une souplesse qui forcent l’admiration et on a envie de lui demander le secret de cette éternelle jeunesse !

 

Nicole Croisille loupePhoto Claude Bourbon

Son spectacle est à son image, généreux, sincère, empli d’humour et d’une bonne humeur qu’elle sait faire partager. Car son rapport avec le public est presque charnel, les spectateurs l’aiment et ça se sent, et le dialogue, si elle l’a conçu entre elle et Nougaro s’installe aussi entre le plateau et la salle, même sans paroles.

Mais du texte elle en a Nicole, que ce soit ceux de Nougaro qu’elle s’approprie avec une aisance bluffante, ou les siens lors d’intermèdes parlés où elle se raconte – un peu – et parle des chansons et de Nougaro – beaucoup.

Car elle est comédienne aussi et ça se sent dans l’interprétation des chansons qu’elle vit intensément et joue tout autant qu’elle les chante.

Il faut la voir arrivant en courant sur la voix de Nougaro dans « À bout de souffle » dont elle prend le relais avec un vrai jeu dramatique ; Il faut la voir tout du long du spectacle arpenter la scène en tous sens, courir, tournoyer, bondir, se jucher d’un bond sur le piano, esquisser des pas de danse ! Quelle fougue, quelle énergie !

Et puis elle chante bien sûr, et on ne présente plus la chanteuse, on a tous dans l’oreille sa voix chaude, puissante, vibrante, capable aussi bien de monter dans des aigus incroyables que de descendre dans des tonalités profondes, une voix toute d’émotion et de sensualité, qui font de cette petite femme blonde toute menue une grande dame de la chanson.

Nougaro et elle, c’est tout d’un coup une évidence, tant leurs deux univers se rejoignent, l’amour du jazz, des beaux textes, ce côté animal qu’ils ont en eux, lui le taureau, elle si féline, et sans doute aussi cette façon de se voir tous deux chanteurs noirs.

Vraiment, une soirée plaisir. Plaisir de retrouver les textes de Nougaro et les propres chansons de Nicole Croisille avec lesquelles elle termine son show, car c’en est véritablement un et mené à un train d’enfer, « La Garonne », transition évidente, les  Parlez moi de lui, Téléphone-moi, Une femme avec toi, et bien sûr Un homme et une femme  interprété avec le public.

 

Nicole Croisille et ses musiciens loupePhoto Claude Bourbon

Le temps a passé bien vite comme toujours lorsqu’on est en bonne compagnie. Et pouvait-on en rêver plus belle que celle de Nougaro, de Nicole Croisille et de ses trois musiciens talentueux, au piano Aldo Franck, son compagnon (musical précise-t-elle) depuis quarante ans, Daniel Ciampolini à la batterie et Dominique Bertram à la guitare basse, et ceux qui œuvrent dans l’ombre et qu’elle n’omet pas de présenter, dont l’indispensable Jacques Rouveyrollis aux lumières.

Mais il n’est de si bonne compagnie qui ne se quitte et c’est d’une façon fort émouvante que Nicole Croisille clôt cet instant magique, avec un superbe texte de Jean Lou Dabadie sur une musique de Roland Vincent Au revoir et merci.

Pour les jours difficiles
Qui reviendront peut-être 
Les bravos sont fragiles

Pour le temps de l’espoir 
Les couloirs sans fenêtre 
Où chacun où chacune
Vient décrocher sa lune
Tu sais, ca n’est pas triste
Ca s’appelle être artiste 
Bonjour et sans rancune

Pour le temps du défi 
Pour l’écharpe de brume 
Qui longtemps vous tient froid

Une lumièr’ suffit 
Et tout le cœur s’allume 
Mais il s’éteint parfois 
La mémoire est sévère 
Pour tous les derniers trains
Pour tous les derniers verres
Et pour quelques chagrins

Pendant ce temps le temps 
S’en va comme la mer 
La vie, comme une plage 
Peu à peu se dénude 
Tu te dis j’ai quel âge 
C’est ca, la solitude
Et pendant qu’on espère 
Combien de choses meurent
Combien d’oiseaux on perd
À regarder ailleurs 

Pour les soirs où soudain
On croit voir l’étincelle
C’est quoi c’est presque rien

Des mains comme des ailes
Qui commenc’nt à bouger 
Quelque chose s’envole
Incroyable et léger 
Alors le cœur s’affole 
On croit que l’heure sonne

Pourtant on n’est personne

Alors alors le temps 
Revient comme la mer
Avec ses grands moments 
Ses vagu’s et ses chimères
Le présent le passé 
Soudain dépareillés 
On change d’habitudes 
On chang’ de solitude 
Tu sais, nous les artistes
On vit à l’improviste

Pour les jours difficiles 
Qui reviendront peut-être 
Les bravos sont fragiles…

Les couloirs sans fenêtre 
Je saurais les reprendre 
Mais je voudrais vous dire
Quelque chose de tendre 
Et je ne sais que dire 
Au revoir et merci
…Au revoir et merci.

 

Nicole Bourbon

 

Nicole Croisille chante Nougaro : Nougaro, le Jazz et Moi

Avec :
Chant : Nicole Croisille

Piano : Aldo Franck
Batterie, percussions : Daniel Ciampolini
Basse : Dominique Bertram

 

Mis en ligne le 10 août 2015

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