TAISEZ-VOUS OU JE TIRE

Au Préau / Centre Dramatique Régional de Vire
Place Castel
14500 Vire
02 31 66 16 00

Du 2 au 6 mai 2017, mardi 2 mai 20h30, jeudi 4 mai 10h, vendredi 5 mai 10h & 14h, samedi 6 mai 20h30

 

Taisez-vous ou je tire loupe Crédits photos ©Luc Maréchaux et ©Arthur Péquin

Puis dans le cadre du Festival Ado / BOCAGE NORMAND : 9 mai 20h30 à Domfront, 11 mai 14h et 20h30 à Mortain, 12 mai 20h30 à Torigny-les-Villes, 18 mai 20h30 à Passais, 19 mai 20h30 à St-Sever, 20 mai 20h30 à Condé-en-Normandie

La pièce se déroule dans une classe. Une professeure de français. Cours de théâtre. Au programme : Molière, Don Juan, scène des pêcheurs avec la jeune Charlotte et extrait de la dernière scène d’Elvire.

Un lycée de banlieue, d’une banlieue indéterminée mais en zone d’éducation prioritaire. Lycée difficile. Violent.

C’est le thème central qu’a choisi Métie Navajo pour cette pièce : la violence, et surtout comment cette violence peut déraper au sein d’un établissement scolaire au point d’y provoquer une prise d’otage.

La conception en est de ce fait réaliste. Presque documentaire. Une dizaine d’élèves qui sont comme un panel de la France multicolore, multiculturelle. Chacun porte semble-t-il le poids de son histoire. Chacun différent de l’autre de part celle-ci, de part sa religion, sa couleur de peau, son sexe. Les rapports entre ces jeunes collégiens sont rugueux, agressifs quand on les voit de l’extérieur. Un langage qui ressemble à celui de la rue et que l’autorité flageolante de la professeure ne parvient pas à faire taire. Une classe qui fourmille d’affrontements : élèves / professeur mais aussi entre les lycéens.

La classe est une entité disparate. Les caractères inventés par Métie Navajo (qui enseigna et fit une immersion préparatoire dans un établissement scolaire durant l’écriture) et mis en scène par Cécile Arthus sont bien trempés. Même s’ils sont presque tous représentatifs d’un cliché (ethnique, religieux ou autre), ils présentent chacun des traits particuliers qui leur donnent une personnalité propre, ce qui n’est pas toujours très facile. Et rien que ceci est un beau travail car il tend à échapper justement aux clichés sur une jeunesse à peine scolarisable et globalement inculte.

Et on parvient à s’attacher à ces jeunes débordant d’une énergie agressive, provocatrice mais qui restent, malgré le sérieux et le corrosif des échanges, juvéniles dans leurs réactions, prêts à rire comme à se déchirer à belles dents d’une seconde à l’autre.

C’est au milieu de cette ambiance où enseigner ne sert strictement à rien, où les tensions commencent à user les nerfs de chacun que soudain, un élément va tout cristalliser : un pistolet.

Un pistolet sorti du sac d’un des élèves, fils de policier. Un pistolet qui va devenir l’instrument de pouvoir absolu sur les autres.

C’est ainsi que le huis clos s’installe. Un coup de feu part. Tous se retrouvent au sol sauf la personne qui tient l’arme.

Dehors, la police cerne la classe, les journalistes des chaînes infos font grossir les rumeurs et attisent les peurs…

À l’intérieur, au fil de maintes péripéties, de menaces, de paroles qui se délient, l’arme change de main. Elle devient vite bien plus qu’un instrument de pouvoir. Sa possession transforme radicalement son propriétaire. Sorte d’amulette magique qui ferait ressortir de la main qui le tient toutes les frustrations, tous les désirs de vengeance, les vieilles rancunes, les humiliations. Le pouvoir aux mains de la colère.

Qu’ils soient tour à tour menaçants ou menacés, chacun finit par découvrir, au-delà du masque de sa propre pseudo identité, ses véritables limites, ses véritables peurs, ses véritables candeurs.

Ce spectacle en cela est passionnant car il met en scène l’acte. Le passage à l’acte. Et montre qu’il y a une distance infinie entre les menaces, les fanfaronnades, les haines affichées et la possibilité d’user du pouvoir absolu sur l’autre, de le tuer, de l’humilier…

À tout moment, la scène peut basculer dans le sang. Ce sont les mots, les aveux, les peurs qui servent à éviter le massacre. A ce jeu, chacun se retrouve à éprouver ce qu’éprouve son voisin : le fort devient le faible, l’humilié, la tête de turc devient le chef.

Un message d’unité finit par triompher : face au monde - policiers, journalistes, réseaux sociaux qui attendent derrière la porte – la classe forme groupe pour sans doute la première fois : chacun conscient des différences de l’autre, mais tous faisant parti du même bateau, même si ce bateau ressemble très fort à une galère.

Le spectacle est rythmé par des interventions de la journaliste de télévision, parfois trop ressemblante à la vacuité de ces commentateurs d’actualité, ainsi que par des passages narratifs en adresse directe au public qui crée une interactivité avec la salle et relatent, comme dans le théâtre classique, les scènes d’actions. Il est vrai qu’il y a ici unité de temps, de lieu et d’action. Comme si, reprendre ces règles du théâtre français pouvait faire une passerelle entre jeunesse et culture.

Bruno Fougniès

 

Taisez-vous ou je tire loupe Crédits photos ©Luc Maréchaux et ©Arthur Péquin

Taisez-vous ou je tire

Écriture Métie Navajo
Mise en scène Cécile Arthus
Chorégraphie Aurélie Gandit
Scénographie Estelle Gauti er
Costumes Chantal Lallement
Lumière Maëlle Payonne
Compositeur Clément Bouvier

Avec :
Hiba El Afl ahi, Olivia Chatain, Timothée Doucet, Léonie Kerckaert, Chloé Sarrat, Mehdi Limam, Jackee Toto, les adolescents-comédiens : Rachel Arrivé, Camille Delaunay, Océane Arsène, Harouna Abou Ide, Kiara Ramazotti , Carla Thomas.

 

Mis en ligne le 2 mai 2017