OÙ DONC EST TOMBÉE MA JEUNESSE…

Comédie de Picardie
62, rue des Jacobins
80000 – Amiens
03 22 22 20 28

Novembre 2014
Amiens : samedi 15 à 19h30, dimanche 16 à 15h30, mardi 18 à 20h30, mercredi 19 à 19h30
Hirson : jeudi 20 à 20h30
Soissons : vendredi 21 à 20h30
Albert : dimanche 23 à 15h
Paris, Théâtre Daunou : lundi 24 et mardi 25 à 20h30
Abbeville : jeudi 27 à 20h30

Mai 2015
Festival de Brighton et Institut français de Londres

 

Photo © Ludo Leleu

2014, année anniversaire du début de la Première Guerre mondiale.

Un peu partout en France fleurissent les spectacles commémorant l’événement, comme fleurissaient bleuets et coquelicots sur les champs de bataille.

Jean-Luc Revol n’a pas échappé à cette énergie créatrice que la Grande Guerre a insufflée à de nombreux artistes.

Le 15 novembre il crée à la Comédie de Picardie, ancien restaurant où se réunissaient les officiers anglais durant la première guerre mondiale, Où donc est tombée ma jeunesse…, spectacle musical mettant en scène des poèmes issus de l’anthologie Les poètes de la Grande Guerre, de Jacques Béal – lui-même un enfant du pays – dits par Tchéky Karyo, qui alternent avec des mélodies populaires de l’époque chantées par le ténor anglais Edmund Hastings. Un pianiste et un violoniste assurent l’accompagnement musical.

La scène, tout au long de la représentation, est plongée dans l’obscurité – nuit sans fin où la guerre a précipité des millions d’hommes. À chaque intervention de Tchéky Karyo, du ténor ou des musiciens, un faisceau de lumière braque sur eux son faible halo, les isolant momentanément des ténèbres.

Au fond, un immense panneau translucide occupe toute la largeur du plateau, comme la démarcation qui séparerait deux mondes, celui des vivants et celui de tous ces jeunes qui ont trouvé la mort dans cette boucherie héroïque que fut la première guerre mondiale. De temps en temps se détache en ombre chinoise la silhouette d’un soldat, pauvre fantôme surgi du passé.

Dû à l’ingéniosité et à la créativité des étudiants de l’University for the Creative Arts de Rochester, en Angleterre, ce décor est une véritable réussite.

Face au public et vêtu d’un pardessus sombre sur lequel tranche une écharpe rouge sang, Tchéky Karyo, bouleversant récitant, convoque ces mobilisés insouciants et confiants en la victoire, partis la fleur au fusil.

Animés d’un patriotisme exalté, c’est en chantant « entre leurs dents, à bouches closes » La Marseillaise qu’ils « montaient vers la Belgique » et « ce bourdonnement semblait sortir des fleurs », et « ceux qui l’entendaient croyaient […] entendre […] comme une Marseillaise étrange des abeilles. » Magnifique poème d’Edmond Rostand, Les ruches brûlées file la métaphore du miel et des abeilles jusqu’à sa chute, « Nos hommes s’en allaient vers le Nord plein d’embûches sauver le miel du monde et mourir pour les ruches. »

Car la guerre est loin d’être aussi jolie qu’ils l’avaient cru.

Et le poilu se retrouve loin des siens avec pour compagnons de guerre son « flingot », sa baïonnette-espadon et son barda et pour seul réconfort la gnôle, « l’âpre consolatrice et l’amie énergique qui racle le chagrin » « pendant les jours sans pain et les nuits nostalgiques ».

Tchéky Karyo donne corps à ces poèmes d’Éluard, de Rostand, d’Apollinaire, de Cocteau, de Duhamel, pour ne citer que les poètes les plus connus, et tous ces textes disparates mis bout à bout donnent l’impression d’un même et unique texte qui raconte l’horreur des tranchées avec « de la boue… de la boue… de la boue… partout » ; l’enfer des canonnades qui criblent le Ciel de trous, comme le dit si joliment Paul Dermée dans Festin, dont la beauté des derniers vers, « Je vais monter sur le toit de la grange pour boucher les trous du ciel avec mes doigts ET LE PREMIER QUI S’APPROCHE JE L’ABATS » fait naître une émotion fulgurante.

Un même et unique texte qui raconte, enfin, la mort – oh, l’émouvante Ballade de Florentin Prunier – car c’est ainsi que finit le poilu, « les genoux comme du fer pliés, les pieds tordus sous son derrière, les mains crispées au vide du boyau. »

Avec Où donc est tombée ma jeunesse…, Jean-Luc Revol nous offre un spectacle poignant qui ne laisse pas insensible.

Elishéva Zonabend

 

 

Où donc est tombée ma jeunesse…

Les poètes de la grande guerre
Poèmes issus de l’ouvrage Les poètes de la grande guerre
De Jacques Béal (Le Cherche Midi)
Mise en scène : Jean-Luc Revol assisté de Sébastien Fevre

Avec : Tchéky Karyo

Ténor : Edmund Hastings
Piano : Edward Lidall
Violon : Michael Foyle

Réalisation du décor : University for the Creative Arts – Rochester – Angleterre
Lumières : Bertrand Couderc
Costumes : Pascale Bordet
Conseil artistique (musique) : Gill Kay

 

Mis en ligne le 15 novembre 2014

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