MARIE GRANDE GUEULE |
Théâtre de Lune Samedi 3 décembre à 20h30, Dimanche 4 décembre à 17h, Vendredi 16 décembre à 20h30, Vendredi 20 janvier à 20h30,
Quel plaisir que celui de la découverte. Découvrir un lieu, le théâtre de Lune, niché Passage Mermet, au cœur des pentes de la Croix-Rousse et qui propose en ses murs actuellement une très intéressante biennale d'art sacré actuel. Découvrir un texte, fort, puissant, ciselé, à l'écriture fluide et incisive à la fois, qui nous guide intelligemment dans les méandres de la pensée. Découvrir enfin, dans une mise en scène d'une sobriété qui ajoute à l'intensité du propos, des comédiens inspirés, Sylvie Chombard, formidable mater dolorosa, toute en ombre et lumière, Alain Blasquez un père qui se veut fort, qui croit en ses valeurs de générosité, touchant d'humanité, Christophe Fievet, avocat fier, besogneux, retors, Lucille Brunel, une Marie lumineuse et pathétique. C'est tout cela que propose Marie grande gueule de Sylvie Blanchon interprétée par la Compagnie Générale et mise en scène par Arnaud Guitton. L'histoire nous fait revivre les années 60 avec en toile de fond les derniers soubresauts de la guerre d'Algérie, après les accords d'Evian de 1962. Comme décor, un immense portrait du général de Gaulle, un drapeau et quelques cubes blancs en guise de meubles. C'est dans cet espace que nous accompagnerons Jules et Louise Leroy qui attendent dans l'angoisse le verdict du procès à huis-clos où est jugée leur fille Marie. Leur dialogue sera interrompu de temps à autres par l'intervention de l'avocat Pierre Martinez qui tel le messager des tragédies antiques apportera les nouvelles. Au fil de leur dialogue, nous découvrirons peu à peu les circonstances du drame, la personnalité de celle qui est jugée et surtout la leur. Parents déchirés, ils se soutiennent puis s'affrontent, essayant désespérément de trouver par où ils ont pêché pour que leur fille en soit là. Les souvenirs affluent, tour à tour joyeux ou bouleversants, les relations mère-fille pas toujours faciles, la vie quoi. Puis peu à peu on glisse vers l'affrontement idéologique. Et l'on devine les malentendus, les enjeux politiques, l'histoire de deux pays que tout aurait pu rapprocher et que tout sépare. Militantisme contre individualisme. Désir d'absolu contre celui de vivre tranquillement. Bravoure contre lâcheté. C'est tendre et violent. Et grâce au talent des interprètes, on sourit, on a la gorge nouée, on partage leurs émotions, on vit pleinement avec eux cet attente interminable et angoissante. On est dans une tragédie grecque, d'ailleurs Marie ne s'apparente-t-elle pas à Antigone, qu'elle avait interprétée dans un spectacle scolaire ? Tout comme la rumeur de la foule qui monte de la fenêtre où se penche parfois le père rappelle le rôle du chur antique. Et à la fin arrive enfin Marie dont on a tant parlé, libérée de ses chaînes un court instant pour faire ses adieux à ses parents. Dans un rôle si court, Lucille Brunel marque les esprits, digne, courageuse et déterminée, et en même temps pleine de rage et de désespoir. Un spectacle dont on ne sort pas indemne et qui habitera longtemps les mémoires. Souhaitons-lui la carrière qu'il mérite.
Nicole Bourbon
De Sylvie Blanchon Mise en scène par Arnaud Guitton Avec Sylvie Chombart, Alain Blazquez,Christophe Fievet et Lucille Brunel
www.facebook.com/lacompagniegenerale
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