LES IROQUOIS
Semaine Extra du NEST (Les ados font leur festival)
NEST de Thionville
15 route de Manom
57100 Thionville
Tél : 03 82 82 14 92
Jusqu’au vendredi 1er avril à 15h00
Puis tournée : le 19 avril 14h à Triangel, Agora – St Vith (Belgique), le 22 avril 13h à Tramschapp-Théâtre National du Luxembourg (Lux.), le 26 avril 20h à Sparte 4 – Staatstheater Saarbruecken (Allemagne)
Crédit photos (c) Coralie_Houillon
Les Iroquois est le résultat d’un concours d’écriture transfrontalier à destination des adolescents de la Grande Région. La Grande Région est un groupement européen de coopération territoriale (GECT) regroupant diverses divisions territoriales de quatre pays de l'Europe rhénane : l'Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg.
Après de multiples sélections de textes écrits par des lycéens de ces 4 pays, cinq courtes pièces ont été retenues, retravaillées sous la direction littéraire d’Alban Lefranc puis mises en scène par Catherine Umbdenstock avec trois comédiens professionnels eux aussi issus de la Grande Région. Des textes, des comédiens et des représentations bilingues français/allemand.
Pour cette édition des Iroquois, la thématique donnée aux adolescents a été : la vocation.
Chacune des histoires racontées ici se déroule dans des lieux et des situations totalement différentes. La difficulté pour trouver une unité scénique a été ingénieusement résolue par la mise en scène de Catherine Umbdenstock, en réduisant le plateau en deux à l’aide d’un rideau derrière lequel on imagine des loges et au travers duquel les comédiens vont faire leurs entrées.
De part et d’autre de ce rideau, une guitare électrique et une batterie. Tout cela représente une scène, un « théâtre » où vont se jouer les différents textes imaginés par ces jeunes cerveaux.
Ce qui est remarquable c’est que la compréhension de chaque nouvelle situation est immédiatement évidente sans que l’on ait besoin d’une longue scène d’exposition ni de décors, comme si ce que ces jeunes auteurs cherchent à exprimer était lumineux dès le départ. Une clarté qui tient sans doute au travail dirigé par Alban Lefranc mais aussi à cette sorte de « visée juste » qui caractérise l’esprit et le langage de la jeunesse, qui ne s’incommode pas des formes, et du coup invente chaque fois une manière de dire les choses beaucoup plus directement, abruptement, que ne le ferait un esprit plus mûr qui chercherait à établir une sorte de raisonnement avant de passer à l’expression.
Il y a dans ces écritures de jeunesse un véritable bouillonnement, quelque chose qui hurle et s’impose dans les mots, les personnages, les situations et qui pourtant possède en lui énormément d’inexprimable. L’on ressent dans chacune de ces créations les interrogations puissantes que l’on subit à cet âge. Et c’est surtout un point de vue sur le monde qui possède en lui-même une sorte d’objectivité troublante. Pas de gants, pas de demi-mesure, pas de formules de précautions dans ces différentes expressions mais une lucidité et un aplomb solides. Un sociologue pourrait prendre ces piécettes pour baromètre des préoccupations et des doutes de cette jeunesse. « Wer Ich bin ? » (« Qui suis-je ? »), « Das Leben Hänt am seidenen Faden » (« La vie ne tient qu’à un fil »), « Lutte pour une vocation », « Träumerei » (« Rêverie »),… ces quelques titres mis bout à bout donnent le ton de cette recherche de soi-même dans l’étendue du monde possible et de l’imaginaire.
Donc…Vocation... mais surtout recherche de vocation – avec cette pièce extrêmement drôle et cruelle de Johanna Lion (Saarbrücken) où une adolescente est poussée par des parents soixante-huitards, stéréotypes aux cheveux longs, cools, pops, dans cette recherche… et aussi absence de vocation - pour cet ado de « Wer bin ich ? » de Luc Thannen (St Vith) qui décrit avec farce les mille et une activités qui remplissent la journée d’un lycéen bombardé de devoirs, de messages facebook, d’informations sur les attentats et de tentations amoureuses… mais encore désillusions de la vocation - avec « Lutte pour une vocation » de Fernando Da Motta (Luxembourg), la longue série d’épreuves dans un dialogue avec lui-même, d’un boxeur en devenir proche de gagner la coupe, si proche… et puis force et déceptions de la vocation - pour l’héroïne de « Arnaud » de Mattis Lebeslour et Jules Maillard (Thionville), irrésistible vision de la vie d’une comédienne débutante où se dévoile la vérité des sentiments sous les apparents brillants de l’harmonie du jeu, ses jalousies, ses mesquineries, ce monde vaguement idolâtre du théâtre sévèrement dépeint ici… et enfin, la vocation comme sacrifice - dans l’énigmatique « Das Leben hängt am seidenen Faden » (La vie ne tient qu’à un fil ») de Chiara Fort, où l’on voit apparaître après un accident, les spectres des corps plongés dans le coma négociant avec ces tisseuses de destins un délai de vie, un arrngement… la grande question du « Destin ».
A ces 5 spectacles, Alban Lefranc a ajouté un texte de sa plume : « Tes mains, ton cou », texte certainement mieux conçu et réalisé que les précédents (l’histoire d’une solitude à la frontière de l’adulte qui n’ose laisser ses désirs parler, perdue un soir dans un bar de nuit) mais un texte sur lequel pèse une narration plus lourde et plus cohérente qui ôte cet esprit sautillant et sans pincette qui donne tout le sel des autres pièces.
Les trois comédiens qui interprètent tous ces rôles jouent avec une franche et frontale énergie, souvent à mi-distance entre la narration et l’incarnation. Ce sont ici les mots, plus que les situations, qui expriment les sens. Une manière de jouer qui donne en permanence l’humour et l’ironie souvent désabusée souvent lucide, qui est le ton commun à toutes ces histoires.
Bruno Fougniès
Les Iroquois
Ce concours d’écriture dramatique initié par le réseau européen TOTAL THEATRE. Quatre théâtres des quatre pays participent à l’édition 2016 : le Théâtre National du Luxembourg (Luxembourg), le Théâtre de Liège (Wallonie), le Saarlandisches Staatstheater de Sarrebruck (Sarre) et le NEST à Thionville (Lorraine)
Textes
« Wer Ich bin ? » de Luc Thannen
« Lutte pour une vocation » de Fernando Da Motta
« Tes mains, ton cou » d’Alban Lefranc
« Träumerei » de Johanna Lion
« Arnaud » de Mattis Lebeslour et Jules Maillard
« Das Leben hängt am seidenen Faden » de Chiara Fort
Auteur accompagnant Alban Lefranc
Mise en scène Catherine Umbdenstock
Avec
Marie Chenal, Grégoire Gros et Charlotte Krenz
Mis en ligne le 5 avril 2016