LE PETIT THÉÂTRE DU BOUT DU MONDE
Théâtre National de La Criée
30 quai de la Rive Neuve
13284 Marseille
Du 4 au 6 mai puis du 9 au 13 mai 2017
Mardi-Jeudi-Vendredi 20h, Mercredi 19h, Samedi 16h et 20h
Scolaires : Vendredi 5, Mercredi 10 et Jeudi 11 à 9h30 / Jeudi 4, Mardi 9 et Vendredi 12 à 14h15
Crédit photo : Nathalie Sternalski
C’est une expérience hors du commun que ce spectacle imaginé par Ezéquiel Garcia-Romeu. Une sorte d’immersion dans un monde conçu comme une immense parabole. Ce petit théâtre du bout du monde est en fait la création d’un théâtre de fin du monde.
Ici, les marionnettes ne parlent pas de contes, d’amourettes, ni d’aucun narratif construit. Pas de personnages dont on devine la vie, le passé, l’histoire. D’ailleurs, les marionnettes ne parlent pas du tout. Il fait silence. Il fait paroles incompréhensibles. Murmures. Bruits. Interrogations surtout, et découvertes d’un univers étrangement inconnu bien qu’il soit fait essentiellement d’objets de nos quotidiens.
Dans une sorte de maison carrée, basse, boîte fait de tulles transparents à travers lequel l’œil du spectateur découvre un bric-à-brac gris, vert, poussière et des objets de toutes sortes, vaguement désuets, accumulations sorties tout droit d’une décharge de matériels manufacturés : machines domestiques, téléphones vintage, ventilateurs, aspirateurs, platine pour microsillons…
Alors surgit un être mi-machine, mi-chair, les yeux lumineux comme des phares qui dévoile la présence endormie du manipulateur Ezéquiel Garcia-Romeu. C’est cette marionnette que nous allons suivre tout au long de cette découverte. Ce seront d’autres machines, objets, éclairages et d’autres figures animées. Certaines, vision quasi bouddhique de l’obésité administrative sont des fous, aux activités de comptable, chairs débordantes, avachies mais cerveau n’accomplissant que des efforts machinaux, automatiques, pires que robot. D’autres sont des vestiges, des figures expressives presque réalistes, dans la tourmente perpétuelle du sentiment, du souvenir, du désenchantement.
Au-dessus de cette terrestre arche de Noé déserte, vrombit sporadiquement un robot, dans le ciel, comme des ordres qui tombent d’un pouvoir aveugle, menaçant, sans autre raison que d’être, d’exister.
Le spectateur est invité à tourner autour du dispositif. Il est sollicité pour répondre aux appels téléphoniques de l’être qui vit dans la boîte. Il tourne, se déplace ou reste assis sur les banquettes à son choix, en constante découverte, constante sollicitation de son imaginaire.
Ezéquiel Garcia-Romeu fait corps avec les objets, les machines et les personnages qu’il manipule. Un jeu en constant dialogue muet, mais une implication qui fait de lui-même un personnage à part entière, bienveillant. Sa manipulation est d’une précision exceptionnelle. Le moindre mouvement, le plus petit déplacement, un regard, sont signifiants, sont poésie.
Car le propos de ce spectacle qui avance et propose inéluctablement sa vision, lente et précautionneuse, est d’éclairer notre monde actuel par le dessous, par le regard des humbles émus par cet avenir mortifère qu’on aperçoit demain. Les inquiétudes sur la pollution, les dérèglements de la planète tombent à intervalles régulier d’un mégaphone invisible : enquêtes sur notre monde en mutation, qui ne sait où il va.
Les images de ce spectacle rythmé comme sur une respiration lente et fragile, restent fortement gravées dans la mémoire. Une expérience riche, belle, poétique, drôle par moment, tragique à d’autres.
Le Petit Théâtre du bout du monde est une œuvre à la fois de jeu et d’art contemporain qui évolue constamment. On verra bientôt naître un deuxième opus, un pas encore en avant vers notre avenir. Il sera mis au monde l’année prochaine.
Bruno Fougniès
Le Petit Théâtre du bout du monde
Mise en scène, scénographie et marionnettes : Ezéquiel Garcia-Romeu
Dramaturgie, regard extérieur : Laurent Caillon
Créations sonores : Samuel Sérandour
Costumes : Cidalia da Costa et Myriana Stadjic
Peinture des décors : Claudia Andréa Mella Diaz
Accessoires : Sabrina Anastasio
Technique et mécanismes : Thierry Hett et Frédéric Piraïno.
Dessins et peintures : Ezéquiel Garcia-Romeu
Jeu et Manipulation : Ezéquiel Garcia-Romeu / Issam Kadichi : En alternance
Machinerie et régie plateau : Thierry Hett
Mis en ligne le 30 avril 2017