LA PLUIE D'ÉTÉ

Théâtre du Hangar

 3 rue Nozeran
34090 Montpellier

Marguerite Duras fait partie de ces auteurs connus du grand public de par sa notoriété et son nom mais peu de par ses écrits. Peut être souffre-t-elle d'une image trop élitiste, trop moderne, trop difficile d'accès... Parfois, l'adaptation sur les planches de roman d'écrivains, ayant la même image peu avenante, amène à remettre sur le devant de la scène des œuvres contenues dans l'inconscient collectif mais non dans la culture collective.  En tout cas, cela permet de les découvrir, ou les redécouvrir, via le prisme du metteur en scène. Cela peut être considéré comme un avantage non négligeable quelque soit la qualité du spectacle. Dans cette version théâtralisé de La pluie d'été, le résultat est plutôt au rendez vous.

En effet, cette adaptation de Lucas Bonnifait tient plus du délice que de la torture. Il met en place un univers fort qui donne pleinement une résonnance au style de l'auteur. La scénographie, épurée à son maximum, souligne et appuie l'univers proposé. Les comédiens, quant à eux, sont tout simplement parfaits. On connait tous l'effet dévastateur que peuvent avoir pour une pièce des acteurs d'un maigre niveaux et/ou mal dirigés. Dans le cas présent, Jean-Claude Bonnifait, Ava Hervier, et Raoul Raïs portent avec brio une pièce et des personnages complexes. De par leur justesse et leur finesse, ils animent Ernesto et les autres en leur apportant un naturel et une crédibilité sans faille. Même s'ils n'apportent pas de nettes différences dans le jeu pour marquer les différents personnages qu'ils interprètent, le soufflé monte et ne retombe pas. La montée en puissance jusqu'à la fin amène discrètement l'émotion pour la faire éclater au nez du public.

On regrettera néanmoins les quelques errances de mise en scène. Malgré l'utilisation de différents rapports entre comédiens et public, la sauce ne prend pas. Les allers-retours entre des comédiens faisant partie intégrante du public et des comédiens avec un positionnement distancié, plus conventionnel, lassent et gênent plus qu'ils n'apportent quelque chose d'intéressant. De plus, le fait que les comédiens s'asseyent dans le public régulièrement coupe les spectateurs de la pièce en les forçant à se repositionner pour leur laisser la place. Certes le dispositif quadri-frontale - un espace scénique carré avec le public assis sur chacun des côtés - abat froidement et surement le quatrième mur mais n'est pas exploité. La gestion de l'espace est d'ailleurs un des grands perdants dans ce spectacle. La création lumière n'est pas non plus d'un intérêt capital. On sent le travail qu'elle a demandé mais on regrette qu'elle soit plus utilitaire que ce qu'elle ne renforce l'univers particulier de la pièce.

Une mise en garde semble de rigueur. Malgré la qualité du spectacle, il n'est pas des plus accessibles au grand public, le style et l'univers de Duras n'aidant en rien à la chose. Les durassiens ou les amateurs de théâtre où rien ne se passe vraiment y trouveront leurs comptes; pour les autres, c'est beaucoup plus discutable. Cependant cela ne veut pas dire que le travail et la qualité ne sont pas au rendez-vous.

Florian Gosselin

 

Adaptation et mise en scène : Lucas Bonnifait

Création lumières : Karl Ludwig Francisco, Alice Versieux

Comédiens :Jean-Claude Bonnifait, Ava Hervier, et Raoul Raïs

Musique : Cheree – Suicide