« LA NUIT DES TAUPES » (WELCOME TO CAVELAND )
TNBA – Théâtre National Bordeaux Aquitaine
3, place Pierre Renaudel
33800 BORDEAUX
Sur place :
L'INOX
9 rue des Capérans
33000 Bordeaux
06 63 80 01 48
6 octobre 19h30, 7 octobre 20h30, 8 octobre 19h00
Après le FAB :
12-13 octobre2016 : Le Merlan – Scène Nationale de Marseille
5 au 26 novembre 2016 : Théâtre des Amandiers, Nanterre
La nuit des taupes Welcome to Caveland : Une allégorie de la caverne mitée ?
S'extirpant du tunnel « Swamp Club » par lequel elle s'était échappée lors du précédent spectacle de Philippe Quesne, la discrète mais non moins géante taupe revient, suivie d'une petite colonie, sur le plateau du TNBA : « Welcome to Caveland ! »
L'entrée fracassante à coups de pioches d'une petite communauté de taupes fait, dès le départ, trembler les parois de la caverne platonicienne. Rapidement, le spectateur se retrouve face à un miroir déformant au reflet allégorique.
Considérant le théâtre comme « l'art de la cave », Philippe Quesne nous invite donc à regarder de l'antre côté du miroir. Dans cet espace under-ground, pensé comme un véritable « champ des possibles » dit-il, les taupes portent au pinacle une pierre énorme comme modèle de soleil pourtant sans réfraction lumineuse, correspondant à leur manière de voir - rappelant Michel Serres pour qui « on entre dans une salle de classe, on entre dans un musée, comme on entre dans la caverne. La caverne, c’est le lieu du savoir. »
Dans l'univers surréaliste de Caveland, les taupes apparaissent amicales. Elles jouent, mangent, dorment, font de la musique, se reproduisent. On rit, on bat le rythme du pied, on assiste intéressés à leurs constructions, même l'instant de mort nous émeut et nous amuse. Les costumes de fourrure imposants, ainsi que leurs mains géantes redessinent une gestuelle maladroite, parfois lutine, rendant drôles et sympathiques ces animaux tant redoutés sur la terre ferme. Cette joyeuse colonie présente une vision décalée mais pertinente dans ce qu'elle nous montre de nous même en tant qu'individus dans nos fonctionnements sociétaux.
Pourtant, cette pièce dans laquelle on rit volontiers ne se contente pas de montrer une vie en sous-sol. Ce débarquement sur scène traduit plutôt une forme de résistance peu commune conférant dès lors au terme de « nuisible » un sens tout autre, moins péjoratif. Dans cette résistance-résidence, point de dramaturgie ou de narration classique puisque cette dernière se compose en même temps que la scénographie se déconstruit et se reconstruit sous nos yeux. Par les bruits mécaniques et métalliques des dispositifs mouvants, les taupes s'affairent à la reconfiguration de nouveaux espaces au son d'une musique psychédélique.
Dans sa force tranquille, ce tunnelier résiste donc par sa capacité à s'adapter aisément à son environnement en constant évolution, restant aux aguets, sachant partir avant qu'il ne soit trop tard. Ici d'ailleurs, point besoin de mots, la matière visuelle suffit. Naturellement, la lumière n'est plus tant synonyme d'idée que de danger : l'éclairage d'une ampoule omniprésente sur scène sonne sporadiquement l'alerte d'un risque imminent, comme la nécessité intuitive de quitter les lieux.
Ainsi, de la taupe à l'artiste, de la peinture Rupestre au Graffiti, il n'y a qu'un pas que Philippe Quesne transcende dans « Welcome in Caveland ! » : ce moment où la taupe-artiste réalise des graff-rupestres figure le point d'orgue du spectacle, en ce sens qu'il interroge la place de l'artiste lui-même. A quoi sert l'art ? Il traverse l'histoire, l'homme et le temps pour rendre et faire état, laisser trace et faire empreinte de moments de vie passées. Cette fresque met en abîme le travail du metteur en scène lui-même qui embrasse ce grand écart artistique par la puissance de résistance de l'art.
Associant une « rêverie à un éveil des consciences », le portrait social de cette colonie de taupes creusant des galeries artistiques nous incite à suivre ses prochains épisodes.
Cynthia Brésolin
La Nuit des taupes (Welcome to Caveland!)
Première française
Metteur en scène Philppe Quesne
Avec Yvan Clédat, Jean-Charles Dumay, Léo Gobin, Erwan Ha, Kyoon Larcher, Sébastien Jacobs, Thomas Suire Gaëtan Vourc’h /
Costumes Corine Petitpierre assistée de Anne Tesson
Collaborations dramaturgiques : Léo Gobin, Lancelot Hamelin, Ismael Jude, Smaranda Olcese
Collaborations artistiques et techniques : Marc Chevillon, Yvan Clédat, Élodie Dauguet, Abigail Fowler, Thomas Laigle
Construction du décor : Ateliers de Nanterre - Amandiers
Mis en ligne le 6 octobre 2016