MARIVAUX : LA FAUSSE SUIVANTE

Théâtre du Pavé
34 rue Maran
31400 Toulouse / Métro B St Agne SNCF /
05 62 26 43 66

Jusqu'au 25 octobre à 20h

Madame la Comtesse, je suis d'avis qu'il ne faut jamais écouter ceux qui vous déconseillent d'aller voir tel ou tel spectacle : primo parce que nous apprenons autant, sinon plus, des sensations désagréables que des sensations agréables et à vouloir soustraire notre esprit des expériences désagréables qui ébranlent nos convictions nous finirons par devenir aussi débiles que le corps d'un enfant éduqué dans un milieu aseptisé, cela fait sans doute l'affaire de l'industrie pharmaceutique mais vaut-il mieux aller sans béquille ou être dépendant des béquilles ? Deuzio, madame la Comtesse  parce que ce serait comme choisir d'épouser ou de ne pas épouser sur simple recommandation ou simple parole d'un tiers. J'entends bien madame la Comtesse, le doute conduit au dévoilement et le dévoilement contient en germe le désenchantement et l'amour a besoin d'illusion. Mais il fut un temps où la passion amoureuse était considérée comme une maladie et comment ne pas douter quand le cœur à conquérir devient une chose du commerce ? Faites plutôt comme le Chevalier de La Fausse suivante, duquel je ne vous dirai rien de plus, menez vous même l'enquête, vous verrez bien ce qui se cache sous l'habit et apprendrez  ainsi à mieux vous connaître.

Bien sûr, madame la Comtesse, que le théâtre est un art dangereux, c'est justement pour cela qu'il faut vous y frotter.

Quant à moi, j'ai aimé ce Marivaux et le travail du collectif FAR (Cécile Carles, Sylvie Maury, Olivier Jeannelle, Laurent Pérez et Denis Rey, comédiens et metteurs en scène toulousains) qui proposent à ce titre  leur premier projet.  Au revoir, bon spectacle.

 

PS : MASQUE SANS MASQUE/  VIGILANCE

Enlever l'écorce, recueillir l'essence 
Fendre le masque, voir le soleil (noir)

Fausse suivante, fourbe puni
Ce qui apparaît n'est pas ce qui est

Ainsi Comtesse apprend à tes dépends
Manquer de vigilance c'est être dupe

Tout comme nous face aux puissants appareils médiatiques : déversoir de propagandes sous forme de  fantaisies-narratives et autres telling stories, vendeurs de vessie pour des lanternes.  Vigilance semble dire  Marivaux servi par ces saltimbanques, aujourd'hui maltraités par des joueurs de pipeau serviteurs zélés  dans les coulisses de leur ennemi déclaré sur la scène un soir de meeting électoral ; privilégiés dit-on  mais où sont ces saltimbanques aux parachutes dorées ? Ah ! Les voilà, c'est eux, les privilégiés, ils n'en ont pas l'air. Mais bon si les gens qui savent disent qu'ils le sont, c'est qu'ils doivent l'être. Donc voilà, les privilégiés, ils sont là,  ils attendent assis sur des chaises autour de l'espace de jeu, espace vide, discrètement éclairé, nous apparaissent et nous révèlent ce petit maître, aux allures de jeune ''cadre dynamique'' sûr de lui, menteur, cynique, tout poltron au fond, en col blanc veste noire et chaussures noires  et leur second couteau avec qui ils partagent la même passion : le goût du lucre. Mais les uns cherchent la richesse pour en jouir et la dilapider (Arlequin, Trivelin) et l'autre (Lélio) la richesse pour elle-même. Nous ne sommes pourtant qu'en 1724, Louis XV n'est encore qu'un adolescent de 14 ans mais les lumières de l'esprit de notre temps sont déjà là :

TRIVELIN : Depuis quinze ans que je roule dans le monde, tu sais combien je me suis tourmenté, combien j'ai fait d'efforts pour arriver à un état fixe ; j'avais entendu dire que les scrupules nuisaient à la fortune, je fis trêve avec les miens, pour n'avoir rien à me reprocher : était-il question d'avoir de l'honneur, j'en avais ; fallait-il être fourbe, j'en soupirais, mais j'allais mon train. Je me suis vu quelque fois à mon aise ; mais le moyen d'y rester avec le jeu, le vin et les femmes ; comment se mettre à l'abri de ces fléaux-là ? »

À les voir ainsi tout de noir vêtus dans une faible lumière, mise à part  Comtesse la brebis marionnette qui par moment arbore une paire de chaussures rouges, on est un peu surpris,   mais après tout le blanc et le noir qui fut hier la couleur du deuil en occident n'est-il pas devenu la couleur  universelle du monde des affaires ? Car s'agit-il d'autre chose que d'affaires dans La Fausse suivante  avec tout ce que cela peut impliquer  de manigance, de mesquinerie, de violence, de brutalité, de cruauté, de cynisme ? Évidemment plateau nu, lumière sombre, costume sobre, absence de fioriture placent les acteurs d'emblée au centre du processus et ils n'ont pas d'autre choix que d'être bons. C'est le cas.

Fin P.S.

Charles Zindor

 

Marivaux : La fausse suivante

Création du Collectif FAR
Avec : Cécile Carles, Sylvie Maury, Olivier Jeannelle, Laurent Perez et Denis Rey

 

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