Photo Olivier Brémond

Famille, pouvoir, amour, trahison, jalousie, vengeance, sang.

 

Une belle expérience de théâtre était proposée au théâtre du Pont-neuf à Toulouse du mardi 12 au samedi 19 novembre par la compagnie  Muse Errante

À partir du Matériau Médée et Hamlet Machine, deux courtes pièces de Heiner Müller (1929-1995), auteur de théâtre, essayiste et metteur en scène de l'Allemagne de l'Est, Jacques Merle et Nathalie Vidal se mettant en scène alternativement, ont créé une ambiance intimiste et musicale pour incarner ces deux grandes figures du théâtre occidental.

Spectateurs et comédiens sont réunis dans le même espace séparé en deux par les spectateurs eux mêmes divisés en deux et se faisant face.  D'un côté, un homme qui va et vient et dont le costume évoque à la fois le fantôme du père d'Hamlet réclamant vengeance car assassiné par son frère qui désormais a fait sien son trône et sa femme complice du crime,   et Hamlet lui-même, habité par la folie et dont les premiers mots seront « j'étais Hamlet » ; de l'autre côté une femme dans un frigidaire, c'est Médée qui susurre « Tu me dois un frère Jason...les aimes-tu tes fils, Jason »

Médée l'étrangère, l'immigrée abandonnée, trahie, Médée la magicienne qui, lorsque Jason fut envoyé en Colchide conquérir la toison d'or par son oncle usurpateur du trône, découpa de sa main, par amour pour Jason, son propre frère et jeta ça et là les morceaux sur les flots afin de retarder son père lancé à leur poursuite ; et voici donc Médée, après deux enfants, abandonnée par Jason pour Creüse, fille du roi Créon, fille riche et jolie.

Des deux côtés donc une histoire qui commence par l'usurpation du pouvoir ; des deux côtés la trahison : le fils  et la femme-mère trahis ; des deux côtés la vengeance et le rituel des noces écarlates et au milieu des hommes et des femmes témoins et potentiels acteurs de ce qui s'est joué, de ce qui se joue, de ce qui se jouera.  Ce qui fait le lien entre Jason, Médée, Hamlet : c'est la question du pouvoir, l'usurpation du pouvoir et la trahison. Trahison, dont Müller lui même, dut faire l'amère expérience.

Les deux textes de Heiner Müller sont extrêmement condensés ; les images proposées par la mise en scène  évocatrice tel que ce bloc de glace suspendu, prison des bébés congelés, laissant couler dans la bouche, sur les seins brûlés, cramoisis, ensanglantés de Médée, ses gouttes :

gouttes de sang, de lait, de larmes …

Si vous voyez ce diptyque pouvant se jouer dans tout type de lieu près de chez vous, ne le ratez pas,  la proposition et performance des comédiens à partir de ces matériaux difficiles en valent  la peine.  Le travail des comédiens est réellement « sans concession » et sincère.

Charles Zindor

 

 

Diptyque Médée-Matériau/Hamlet-Machine

de Heiner Müller
Mise en scène et direction d’acteur : Jacques Merle (Hamlet) et Nathalie Vidal (Médée)
Scénographie : Olivier Brémond

Avec : Nathalie Vidal et Jacques Merle

Costumes et régie : Olivier Brémond
Cie La Muse errante • 875 b, rue des Ayasses • 26400 Vaunaveys‑la‑Rochette
Tél. 04 75 25 45 26