COURTELINE, AMOUR NOIR |
Théâtre de Lyon, Célestins Jean-Louis Benoit a réuni trois courtes pièces de Courteline qui nous présentent une vision féroce et cruelle du couple, où les hommes sont benêts et de mauvaise foi, les femmes hystériques ou rouées. Décors et costumes sont très éloignés de ceux d'origine, costumes de notre époque et décor très loin de l'univers petit bourgeois qui était la cible de Courteline. Là, l'action se passe dans une pauvre cuisine, avec un lit en alcôve fermée par un rideau, le tout fait petit et étriqué comme pour mieux souligner l'état d'esprit des protagonistes. Mais le parti pris d'avoir ainsi modernisé l'ensemble m'a semblé produire l'effet inverse. Les situations qui pouvaient nous donner une idée d'une époque où les femmes dépendaient complètement de leurs maris et se devaient donc de trouver des armes pour se donner les moyens d'exister, brusquement transposées à une époque plus récente, prennent du coup un air démodé. Les deux premières saynètes sont d'une facture relativement classiques, sans rien de bien nouveau dans l'interprétation et la mise en scène, et je dois dire que je m'y suis un peu ennuyée. Il a fallu attendre la troisième – Les Boulingrin – pour que Jean Louis Benoit donne enfin la mesure – ou plutôt la démesure – de son talent. Là, enfin, tout explose dans une énorme farce, avec le jeu outré des comédiens, des gags qui s'enchaînent sans temps mort, des trouvailles inspirées dans l'interprétation et la scénographie, avec jeux de lumière inventifs et belle pagaille, accompagnés d'une bande son bien choisie. D'ailleurs les rires ont enfin fusé largement. Loin du vaudeville où le rire est provoqué par une succession de quiproquos, de malentendus et de situations qui basculent soudainement, le théâtre de Courteline nous présente des tranches de vie où rien n'arrive, où tout est basé sur les personnages. Il demande ses comédiens excellents et là, ils le sont. Thomas Blanchard campe un Des Rillettes d'anthologie après avoir incarné l'homme lâche de La peur des coups, Ninon Brétécher donne beaucoup de malice à l'épouse de ce dernier puis à la bonne des Boulingrins, Sébastien Thiéry prête avec bonheur sa force à Trielle et à Boulingrin, enfin Valérie Kéruzoré emporte l'adhésion, qu'elle soit une Valentine d'une rouerie drolatique ou une Madame Boulingrin complètement hystérique. On passe donc globalement un bon moment, occasion de réentendre avec plaisir les dialogues percutants, drôlement cruels et cruellement drôles de Courteline ou de les faire découvrir aux jeunes générations.
Nicole Bourbon
Courteline, amour noir (La peur des coups, La paix chez soi, les Boulingrin) Mise en scène : Jean-Louis Benoit
|