CONTRE-COURANTS # 2 - NE PARLE PAS AUX INCONNUS

NEST-THEATRE
15 Route de Manom
57100 Thionville
03 82 82 14 92

Jusqu’au 26 avril

 

loupe

 

À l’origine de ce projet, Cécile Arthus avait créé auparavant Contre-courant # 1 basé sur la pièce d’Edward Bond, « Les Enfants ». Ce deuxième volet explore lui aussi la thématique de l’enfance – pas de la petite enfance – au travers les enfants européens d’aujourd’hui.

Tout débute par une enquête menée par Sandra Reinflet l’été dernier. Celle-ci a traversé l’Europe d’Athènes à Helsinki en auto-stop pour glaner les témoignages de jeunes au hasard de ses déplacements. Ce matériau a ensuite été compilé, sélectionné puis offert en base de travail dans des ateliers qui ont réuni jusqu’à 73 jeunes Lorrains dans des ateliers. Ateliers théâtraux et atelier de danses Hip-hop qui ont travaillé quatorze semaines à Thionville et dans la région de Thionville.

Sorti de ces ateliers artistiques, 31 jeunes ont été réunis durant cinq jours pour que Cécile Arthus rassemble les morceaux épars en une mise en scène cohérente et dynamique.

Un travail de longue haleine donc, dans le but de mettre à jour une sorte de portrait de la jeunesse européenne.

Mais qu’est-ce que c’est que ça la jeunesse européenne ? Y a-t-il une unité réelle entre une jeune Grecque et un jeune Suédois d’aujourd’hui ? À juste titre, le spectacle nous présente une série très variée de personnalités sans vouloir artificiellement créer un univers commun, un discours commun, un ressenti commun. Les préoccupations sont très variables : certaines sont en effet des conséquences de l’actualité politique et économique actuelle, d’autres sont des soucis familiaux, personnels, intimes.

Avec finesse, le montage de ces témoignages mêle systématiquement des récits dramatiques à des interrogations beaucoup plus enfantines, de celles qui font monter le sourire aux lèvres et sonnent comme des constances intemporelles de l’enfance.

Et pourtant, chacune des interventions est interprétée avec une conviction énorme par ces jeunes comédiens et danseurs dont la plus jeune est âgée de dix ans et le plus mûr de vingt ans.

C’est un projet de partage, pédagogique, qui éclaire la sensibilité des jeunes d’aujourd’hui d’une lumière d’espoir mais qui laisse aussi un léger goût d’amertume. À l’écoute de ces paroles j’ai été surpris de voir à quel point, et du nord au sud de l’Europe, les jeunes sont en prise avec des règles morales absolument rigides. Certains témoignages semblent avoir été émis il y a un siècle, comme celui de cette adolescente enfermée chez elle avec interdiction de sortir dans la rue sous prétexte que les jeunes qui traînent sous l’abri-bus qu’elle aperçoit de sa fenêtre sont infréquentables – aux dires de sa mère. Et cette autre jeune, condamnée par ses proches à cause de son homosexualité, repoussée, mise au ban – personnage interprété avec une très simple et forte présence par une comédienne en herbe. Et d’autres encore… à croire que les mentalités, les peurs de « l’autre » et les carcans moraux agissent toujours avec autant de violence malgré la pseudo-avancée sociale et intellectuelle de notre civilisation. La liberté est loin.

Une autre constance de presque toutes ces plaintes est l’attente. Aussi bizarre que cela paraisse lorsqu’on pense que ce qui détermine la jeunesse est l’impatience, beaucoup de ces jeunes mécontents de leur présent ne se révoltent pas vraiment : ils misent sur l’attente. Ils attendent d’être adultes pour pouvoir acquérir la liberté qui leur manque. Voilà leur stratégie. Espérons qu’ils n’attendront pas jusqu’à ce que jeunesse passe.

La mise en scène se présente comme un forum : les jeunes dispersés sur des praticables disposés en forme de U bondissent sur la scène centrale les uns après les autres. Les chorégraphies d’ensemble de Sadat Sekkoum donnent une idée de cohérence, de groupe, d’unité de tous ces jeunes de tous âges qui présentent des ballets de hip hop très bien montés. Visages sévères, tous semblent porter en eux les messages alarmistes de nos bulletins d’informations quotidiens qui défilent sur un bandeau lumineux en fond de scène. Leur énergie, leurs déplacements chorégraphiés contrastent avec le pessimisme de ces informations en continu. Ils sont comme une vision d’espoir et d’optimisme.

Bruno Fougniès

 

Contre-courants # 2 – Ne parle pas aux inconnus

Texte et collectage Sandra Reinflet

Conception, mise en scène et scénographie Cécile Arthus

Chorégraphie Sadat Sekkoum

Musique et sons Clément Bouvier

Lumière Maelle Payonne

 

Mis en ligne le 2 mai 2015

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