Si vous voulez vivre un moment privilégié, rendez-vous au château de Grignan auquel le nom de la Marquise de Sévigné reste à jamais attaché.
Chaque été depuis 2009, un metteur en scène présente une œuvre dans ce cadre prestigieux pour Les fêtes Nocturnes organisées par le département de la Drôme.
Dès 19h30 vous pouvez accéder au Bosquet où vous pourrez vous restaurer ou prendre un verre. Et vous y retrouver aussi après le spectacle.
Petit conseil : couvrez vous bien, il fait souvent froid pour peu que le mistral s'invite au spectacle !

Cette année c'est Claudia Stavisky du théâtre des Célestins de Lyon, qui a relevé l'incroyable challenge de réaliser la célèbre « Chatte sur un toit brûlant » de Tennessee Williams.
Véritable défi en effet que de transposer en plein air devant l'imposante façade Renaissance une œuvre aussi intimiste, ce huis-clos aussi violent qu'étouffant.
Le pari est gagné ; mise en scène nerveuse, soutenue par une scénographie superbe qui utilise au mieux l'espace tout en respectant les indications qu'avait données l'auteur lui-même et excellence de l'interprétation se conjuguent pour nous offrir un spectacle exceptionnel qui allie beauté et puissance dans cette satire acide éclairée par instants d'éclats d'humour noir.
Car les membres de cette famille ne s'épargnent guère, dans des rapports compliqués de non-dits et de faux-semblants et ça grouille de coups bas, de méchancetés, de spéculations sordides ; un couple déchiré, un frère qui lorgne sur l'héritage proche d'un père condamné par un cancer, une mère qui affiche clairement ses préférences pour un de ses fils et l'hypocrisie qui entoure tout cela avec en toile de fond l'alcoolisme et une homosexualité refoulée.
Il faut des interprètes de haut niveau pour oser se frotter à une telle œuvre.
Philippe Awat et Laure Marsac ont la difficile tâche de succéder à Paul Newman et Elizabeth Taylor qui avaient tant marqué de leur empreinte les rôles de Brick et Maggie au cinéma.
Dès la première longue scène, on sait que c'est gagné. Laure Marsac est véritablement incroyable dans cette logorrhée interminable, où elle est tour à tour drôle, émouvante, provocante, câline ou sortant ses griffes comme une chatte, déambulant avec grâce en petite tenue, essayant diverses robes, ôtant puis remettant ses bas, parlant de tout et de rien, commérant sans fin, semblant capricieuse, véritable langue de vipère tandis que Philippe Awat ne lâche pas trois mots ; et puis, parfois, le vernis se craquelle, l'espace d'un instant les masques tombent et l'on saisit que rien n'est gratuit, qu'elle aguiche véritablement son mari en essayant désespérément de le reconquérir , lui qui reste sourd, se réfugiant dans la boisson et la fuite.
Pour les rôles de grandpapa et grandmaman, il fallait deux monstres de théâtre et on ne peut rêver mieux que Christiane Cohendy et Alain Pralon qui investissent leurs personnages d'une densité et d'une charge émotionnelle inouïes.
Ces quatre là sont constamment sur le fil, grossissant le trait mais sachant chaque fois s'arrêter au moment où ils pourraient sombrer dans la caricature. Superbe direction d'acteurs !
Les autres comédiens ne sont pas en reste, soutenant avec intelligence et une grande justesse leur partition.
On est littéralement happé dans ce tourbillon sordide qui provoque parfois des rires salvateurs.
La tension monte pour finir en véritable orage en écho à la tempête qui vient d'agiter ces êtres en lesquels chacun pourra reconnaître d'innombrables familles.
On a tous en nous quelque chose de Tennessee…

Nicole Bourbon

Chatte sur un toit brûlant

De Tennessee Williams
Texte français de Daniel Loayza
Mise en scène Claudia Stavisky
Assistant à la mise en scène Eric Lehembre

Avec
Philippe Awat - Brick
Jean-Pierre Bagot - Docteur Baugh
Patrice Bornand - Révérend Tooker
Christiane Cohendy - Grand maman
Laure Marsac - Maggie
Stéphane Olivié-Bisson - Gooper
Alain Pralon - Grand papa
Clotilde Mollet - Mae

Scénographe - Alexandre de Dardel
Créateur lumière - Franck Thévenon
Créateur son - Jean-Louis Imbert /
Créateur costumes - Agostino Cavalca