CARMEN |
Opéra de Lyon Olivier Py, homme de théâtre flamboyant, iconoclaste, lyrique et excessif a les défauts de ses qualités, capable du meilleur comme du pire. Ses créations soulèvent souvent la polémique et cette Carmen en est un nouvel exemple. Des trouvailles superbes vont ainsi côtoyer des scènes lourdes et parfois vulgaires, des éclairs de génie se mêler à des inventions catastrophiques. Voilà donc une œuvre parmi les plus connues et jouées dans le monde présentée ici dans une version pour le moins déstabilisante. Foin des espagnolades de pacotille qu'on lui a souvent reprochées, Carmen est ici mise à nu au propre comme au figuré. Plus de manufacture de tabac ni de corps de garde, mais un cabaret au nom évocateur « Le paradis perdu » où Carmen est meneuse de revue et un poste de police empli de fonctionnaires désuvrés et un tantinet lubriques. Ajoutez-y côté jardin un hôtel miteux fréquenté par les prostituées et où va loger Micaëla. La scénographie imaginée par Pierre-André Weitz est superbe. Deux cubes sur une tournette nous présentent différents endroits du cabaret, la façade côté entrée avec deux guichets où s'ennuient les caissiers puis l'arrière avec son escalier de secours style US, la scène sous différents angles, les coulisses, le bar. Mais là aussi le mieux est l'ennemi du bien, ces différents décors tournoient sans cesse à en donner le vertige et surtout nécessitent un mécanisme bruyant un peu gênant. Pas de ballets mais des chorégraphies de revues qui s'accordent mal avec la musique. Quelques girls emplumées - les costumes sont par ailleurs magnifiques - se trémoussent vaguement, un nain annonce actes et entractes, quelques animaux statufiés, panthère et autres autruches sont posés de ci de là. Côté personnages, Josè Maria Lo Monaco est une Carmen sans charisme ni sensualité dont la voix de mezzo s'étouffe dans les graves devenant quasi inaudible, Yonghoon Lee interprète Don José avec une belle puissance mais sans nuances, Giorgio Caoduro campe un Escamillo insignifiant. Seule Nathalie Manfrino qui remplace Sophie Marin-Degor tire son épingle du jeu. Elle est une Micaëla sensible et frémissante, unique touche romantique dans sa robe bleue au milieu de tout ce rouge et ce noir qui envahit la scène, même si sa voix est parfois un peu trop forte dans les aigus. Le public ne s'y est pas trompé qui l'a chaleureusement applaudie au moment des saluts. Mais était-ce bien utile de lui faire traverser le plateau une corde à la main et que l'on aperçoive ensuite sa silhouette de pendue qui se balance derrière une des vitres de l'hôtel ? Olivier Py ne sait pas se contenter de suggérer il faut qu'il appuie, qu'il en fasse trop jusqu'à satiété. Dans ce parti pris, règne une grande incohérence entre ce que l'on voit et ce que l'on entend. C'est particulièrement flagrant dans le premier tableau de l'acte III où on ne voit pas trop ce que viennent faire ces histoires de douaniers et de contrebandiers dans cet univers de music-hall. Les spectateurs qui découvraient l'uvre ont dû se sentit un peu perdus. Dommage. Un peu comme si, ouvrant un magnifique écrin, on ne trouvait qu'une contrefaçon mal réalisée.
Nicole Bourbon
Carmen Opéra en quatre actes de Georges Bizet 1875 Direction musicale Stefano Montanari Carmen Josè Maria Lo Monaco Orchestre, Churs et Maîtrise de l'Opéra de Lyon
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