1336 (PAROLES DE FRALIB)
Avignon Off
Le 11 - Gilgamesh Belleville,
11 boulevard Raspail
84000 Avignon
04 90 89 82 63
Du 6 au 28 juillet 2017 (relâches 11, 18, 25)
Ce fut un combat de titans pour le droit sur de fragiles feuilles sèches et autres plantes diaphanes, craquantes, odorantes… En fait de titans, il en était un véritable d’un côté : la multinationale Unilever et ses moyens financiers presque sans limites, ses bardées d’avocats, ses forces mécaniques pour broyer tout ce qui se met sur sa route. De l’autre, un groupe d’hommes et de femmes, des ouvriers, avec pour seule arme leur volonté, sans limites, elle aussi.
L’histoire de cette usine a défrayé les chroniques sociales, économiques, politiques et judiciaires entre 2010 et 2014. C’est le temps, 4 longues années, qu’a duré cette lutte pour pouvoir sauver les emplois de cette structure de production. Peut-être avez-vous entendu parler de FRALIB, une usine située à Gemenos près d’Aubagne qui produisait les thés et infusions de la marque Eléphant et Lipton ? Mais certainement n’avez-vous jamais effleuré les colères, les doutes, les drames et les fiertés que les ouvriers de Fralib ont éprouvés durant cette lutte incroyable des faibles contre les surpuissants, des courages surhumains contre les inhumaines logiques comptables des actionnaires du libéralisme.
C’est alors que Philippe Durand entre en scène d’un pas tranquille. Il sourit, salue du regard une connaissance dans la salle, va s’asseoir à la table, y dépose le tapuscrit qu’il tenait à la main. Sur sa gauche, une pyramide d’une trentaine de boîte de thé en carton, une trentaine de sortes d’infusions disposées en forme d’immeuble de la Grande Motte, demi-cercle face à la mer, face aux spectateurs, comme un croissant de lune…
Outre un tapuscrit et une bonhomie sans fards, Philippe Durand porte avec lui des dizaines de témoignages qu’il a prélevés là-bas, sur le site de l’usine juste après la fin du combat et le début de la nouvelle aventure. Il va nous offrir ces paroles d’hommes et de femmes qui chacunes racontent son histoire, ses sentiments, ses peurs et ses rires durant ces quatre ans. Les procès incessants, les reports ourdis par l’escouade d’avocat de la multinationale, les démarches, les blocages, les tentatives de démantèlements, les occupations du terrain comme zone de combat pour garder la main mise sur les lieux… ce sont plusieurs témoignages qu’il incarne ainsi, se glissant dans les peaux des personnages les uns à la suite des autres, tournant ses pages au fur et à mesure comme on se réfère à une vérité, une certitude, elle est là, devant nous écrite, talisman, bible, preuve de l’existence et de la véracité de cette histoire belle comme un conte où ceux qui fabriquent la richesse finissent par jeter dehors ceux qui profitaient de la richesse.
Cette pièce tendre, imagée, sensible est un hommage magnifique à la fierté, celle qu’en d’autres temps on appelait la fierté des humbles, des pauvres, des faibles, un sentiment qui en même temps broie le cœur et distille une foi immense en l’humain, un courage neuf et un sourire à la quête de camaraderie.
Une belle histoire qui finit bien mais qui en fait n’est pas finie car si les ouvriers ont réussi à remettre la production en marche en créant une Scop, à créer leur propre marque (une marque qui s’appelle 1336 = le nombre de jours de lutte), à recommencer à produire aussi des thés et tisanes à base de produits et d’arômes naturels ce que ne faisait plus Lipton, ils sont encore en butte au quasi monopole d’Unilever sur la distribution, sans compter les coups bas de certains politiques régionaux, qui cherchent à provoquer leur chute. Ainsi la marque 1336 pourtant de qualité supérieure peine à trouver place dans la grande distribution. Cherchez, vous en trouverez peut-être une boîte en rayon (pour 15 de la marque Lipton), aussi les autres références sont surtout à vendre sur internet sur leur site.
Bruno Fougniès
1336 (Paroles de Fralib)
Une aventure sociale racontée par Philippe Durand
Mis en ligne le 2 juin 2017