GRIGNAN 2015
Fêtes nocturnes de Grignan
Château de Grignan
Rue Montant au Château
BP 21
26230 Grignan
Jusqu’au 22 août
LE CHÂTEAU DE GRIGNAN
Dès l’arrivée dans la bonne ville de Grignan, on ne peut que le voir, dressant fièrement sur son piton rocheux sa superbe façade Renaissance et embrassant d’une large terrasse l’église qui s’y trouve accrochée.
Ce sont presque dix siècles d’histoire qui contemplent ainsi le promeneur attiré en ces lieux par le souvenir d’une certaine marquise.
Car les vénérables pierres ensoleillées gardent en mémoire les ombres de deux femmes, qui ont contribué à son aura.
La première c’est bien sûr la divine Madame de Sévigné grâce aux étonnantes lettres, si pétillantes, si pleines d’esprit, qu’elle envoya durant vingt-cinq années à sa fille Françoise-Marguerite de Sévigné qui avait épousé le propriétaire des lieux, un certain François Adhémar de Monteil de Grignan dont les ancêtres, les Adhémar de Monteil, ont donné son nom à la ville de Montélimar.
Madame de Sévigné habitait dans la Marais, à Paris, l’hôtel Carnavalet.
Elle ne fit que trois séjours au château de Grignan, tous très longs et c’est au cours du dernier qu’elle y mourut. Elle y a un caveau dans l’église, dans ce village qu’elle n’appréciait pas particulièrement, car doté « d’un climat excessif, exposé à tous les vents, et d’une épouvantable beauté. » Mais son nom reste attaché à jamais à Grignan qui voit tous les étés fleurir en ces murs le Festival de la correspondance. Et le symbole d’un amour maternel excessif : « Je trouve que tout me manque parce que vous me manquez. »
Le château connut ensuite bien des avatars, et la Révolution passant par là le laissa en piteux état.
C’est alors qu’apparut la deuxième femme qui lia son nom à l’édifice, Marie Fontaine.
Riche héritière elle acheta le château en 1912 pour 57 500 francs et n’eut de cesse de lui rendre son lustre d’antan, s’appuyant sur les plans et gravures subsistant, les divers inventaires domestiques et opérant une incroyable restauration, façades, parquets, plafonds et lambris.
Propriété du Département depuis 36 ans, il présente aux nombreux visiteurs qui s’y pressent ses murs majestueux, et toutes les richesses qu’il renferme, mobilier et tapisseries, cheminée de bois sculpté, magnifiques parquets et autres merveilles.
Chaque été maintenant, il est le décor fastueux des spectacles qui s’y donnent dans le cadre des Fêtes Nocturnes.
QUAND LE DIABLE S’EN MÊLE
Un vaudeville à Grignan, voilà du nouveau. Mais signé bien sûr du maître du genre, Feydeau et mis en scène par un orfèvre, Didier Besace.
Si on peut regretter que le château soit du coup moins présent, si ce n’est en toile de fond – Mais quelle toile de fond ! – le résultat est à la hauteur des espérances.
Léonie est en avance (Photo Nathalie Hervieux)
Didier Besace réussit l’exploit de nous livrer un Feydeau sans portes qui claquent ni mobilier daté, mais qui laisse toute leur vivacité aux mots et aux situations. On en apprécie d’autant plus la mécanique implacable de l’auteur d’autant qu’elle est magnifiquement servie par des comédiens exceptionnels qui mettent en valeur la moindre intention.
Foin des indications si précises de maître Georges, Didier Besace fait véritablement œuvre de création, avec une direction d’acteurs sans faille et une trouvaille de génie : l’apparition du diable qui tisse les liens de l’enfer conjugal, apparaissant dans un nuage sulfureux entre les courtes pièces choisies « Léonie est en avance, Feu la mère de madame, On purge bébé » et dans chacune des trois sous les traits du personnage qui fait basculer le couple.
À ce jeu, Philippe Bérodot est éclatant, arrivant avec une malice infernale et composant ses trois personnages avec un art consommé de l’attitude et du ton. C’est tout à fait jouissif d’autant que ses compagnons ne sont pas en reste, changeant de personnage à des allures record avec des compositions étonnantes et hilarantes.
Feu la mère de Madame (Photo Nathalie Hervieux)
Ajoutons la scénographie signée Jean Haas, ingénieuse et inventive avec un unique plan incliné empli de chausses-trappes et qui devient au gré des pièces salon, bureau ou lit surprenant.
Et on rit énormément de ces maris tyrannisés par leurs épouses car ici l’enfer c’est la femme, l’écriture étant un véritable exutoire pour ce malheureux Feydeau coincé dans une union chaotique et qui exorcise ses douloureuses expériences par le rire. Un rire qui camoufle l’amertume et les déceptions.
Nicole Bourbon
On purge bébé (Photo Nathalie Hervieux)
Quand le diable s’en mêle
D’après trois pièces de Georges Feydeau
Léonie est en avance, Feu la mère de madame, On purge bébé
Adaptation et mise en scène : Didier Bezace
Avec : Philippe Bérodot, Thierry Gibault, Ged Marlon, Clotilde Mollet, Océane Mozas, Lisa Schuster, Luc Tremblais.
Scénographie : Jean Haas
Collaboratrice artistique, son et accessoires : Dyssia Loubatière
Lumières : Dominique Fortin
Costumes : Cidalia da Costa
Maquillage, coiffure : Cécile Kretschmar
Maquilleuse : Sophie Niesseron
Chorégraphie : Cécile Bon.
Mis en ligne le 1er juillet 2015