LE DEVIN DU VILLAGE

Château de Montal
46400 Saint Jean Lespinasse

Les 1er, 7 et 11 août à 21h

Puis le 16 août dans la Cour de la Préfecture de Cahors à 21h

 

La Danse de mort loupe Photo © DR

Très peu joué, parfois tenu en piètre estime par les spécialistes, doté d'un format qui en fait un cas quasi unique dans le répertoire, c'est une curiosité que le Devin du village dans le monde de l'opéra. Comment aborder cette bluette a priori naïve voire triviale, cet intermède en un seul acte, ce genre de pastorale à la française, composé par un philosophe certes amoureux de musique mais dont  ce n'est pas le métier et dont on ignore souvent qu'il l'a commis ?

Le parti-pris du metteur en scène Benjamin Moreau avec cette création consiste à rendre à l'œuvre sa portée politique, notamment en la mettant en perspective avec quelques autres textes de l'auteur de l'Émile et de la Nouvelle Héloïse, intercalés à divers moment de l'opéra. Il s'agit en effet de montrer ce que la pensée de Rousseau contient déjà de révolutionnaire dans la sensibilité que déploie cette histoire délibérément simple, proche du peuple dans sa narration (et donc très éloignée des standards de l'opéra français traditionnel d'alors qui fait intervenir des dieux et des héros mythologiques) comme dans sa musicalité légère (largement inspirée des histoires, folklores et autres airs populaires).

De manière allégorique mais très concrète, cet enjeu contestataire se manifeste sur scène quand le fond du décor représentant un horizon céleste tombe progressivement pour découvrir un grand escalier que gravit la bergère que rejoint son amoureux dans un élan de marivaudage coquin... On comprend mieux pourquoi, parlant le langage de l'instinct naturel et du cœur, Le Devin du village a rencontré un réel succès au XVIIIe siècle, même s'il fut également joué devant le roi Louis XV avant d'être interprété par Marie-Antoinette elle-même. Ce serait presque un contresens historique que notre réception contemporaine y entende des mélodies destinées aux classes supérieures et n'y entende pas sa dimension universelle. 

Sans doute cet aspect subversif ne sera-t-il que confusément perçu par la plupart des spectateurs qui préféreront s'émerveiller du charme du cadre offert par le château de Montal ou succomber à la douceur de la musique. Il faut dire que la bonne surprise vient de la mezzo Lucile Verbizier qui, avec un rôle exigeant dans les conditions du plein air, fait preuve de beaucoup de détermination, de même que le convaincant ténor Camille Tresmontant et le baryton Christophe Laccasagne qui montre les qualités qu'on lui connaît, à savoir, outre une voix claire et profonde, de belles qualités d'acteur. Et l'on se prend à entonner l'air qui sera repris lors de la Révolution qui sourd déjà : « Allons danser sous les ormeaux ! »

Frédéric Manzini

 

Le Devin du village

De Jean-Jacques Rousseau
Mise en scène : Benjamin Moreau
Transcription musicale : Emmanuel Clerc
Chef de chant et clavecin :Hélène Clerc-Murgier
Décor et costume : Patrice Gouron

Violon : Patricia Bonnefoy
Traverso : Lucie Rio-Humbrecht
Violoncelle : Pauline Warnier

Avec : Christophe Lacassagne (Le Devin), Lucile Verbizier (Colette), Camille Tresmontant (Colin)

 

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Mis en ligne le 3 août 2018