Valère Novarina en scène
De Claude Buchvald
Edition Presses universitaires de Vincennes

Il est des moments privilégiés qui vous marquent au fer rouge, qui bouleversent votre quiétude, qui transforment vos certitudes.

Est de ceux-là celui que nous avons vécu à l'Université Paris VIII où Les Presses Universitaires de Vincennes organisaient une rencontre entre l'écrivain Valère Novarina et la comédienne, metteur en scène et maître de conférences à ladite Université Claude Buchvald, rencontre animée par Jean Marie Thomasseau avec la participation du comédien Claude Merlin.

Claude Buchvald nous raconte en 268 pages magnifiquement illustrées de photos souvent inédites le théâtre de Valère Novarina. Dans une langue riche, dense, non dénuée d'une certaine poésie, fruit de deux ans de travail, de relecture de notes, de plongée dans des souvenirs, elle nous fait partager à travers la description de son travail de mise en scène sa fascination pour l'univers si particulier et si mystérieux de cet auteur à l'écriture singulière.

Car Valère Novarina est un auteur déroutant, qui sert un théâtre de chausses trappes, un théâtre qui échappe aux codes de la dramaturgie, qui surprend et qui étonne parfois même son auteur : « Tout comme le spectateur, le spectacle a son autonomie, et je vais moi-même voir ma pièce tous les soirs pour essayer de la comprendre » confiait-il lors d'une interview.

Le livre se construit autour de quatre spectacles, « Vous qui habitez le temps », « Le repas », « L'opérette imaginaire » et « L'avant dernier des hommes », nous faisant participer aux répétitions, à la construction de l'œuvre, avec une précision quasi chirurgicale où transparaît toute l'admiration qu'elle éprouve pour le talent de l'auteur, cet homme qui jette les mots comme on se noie, qui nous fait pénétrer « dans le château des mots », des mots au sens parfois caché y compris à lui-même, pour mieux nous faire nous découvrir.

« Valère Novarina fait abandonner toutes les résistances pour recueillir cette espèce de substance très précieuse qui crée de la lumière et du noir. » écrit Claude Buchvald.

Un théâtre pur et exigeant, où le langage est acteur, où on ne triche pas « Rien à jouer ni à imiter ; rien feindre ni ajouter ; pas d'émotions, pas de pensées, pas de mimiques ; rien en plus. Il n'y a que le mouvement de la parole qui doit vous mener, vous mouvoir » explique Valère Novarina.

Et la découverte se poursuit au fil des pages, on va de répétitions en filage, on écoute la voix de Claude Buchvald soutenant ses comédiens, leur indiquant le chemin, décortiquant les intentions, jusqu'à emporter le spectateur dans le mouvement, on découvre la scénographie imaginée, une scénographie ouverte et non figurative « afin que l'imaginaire de l'acteur et du public se rejoignent ». Laisser toute la place aux mots. Encore. Toujours.

C'est un ouvrage dense dans lequel on se plonge tout entier, sur lequel on revient, qui nous captive par tout ce qu'il nous dévoile de l'art et de l'humain, ce qu'il nous apprend sur Valère Novarina mais aussi sur le comédien, expliquant ce formidable bain dans lequel il doit s'immerger complètement jusqu'à s'oublier lui-même pour devenir une voix, afin que le texte quitte la page blanche « pour se réécrire dans les corps vivants, dans l'obscur de leur chair, de leur voix, au présent d'apparition. »

Un livre qui nous donne l'irrésistible envie de participer à ces répétitions, d'assister au spectacle, de partager cette plongée à la fois violente et onirique, de devenir autre nous aussi.

Nicole Bourbon

 

 
Claude Buchvald et Valère Novarina