LA CORDERIE ROYALE DE ROCHEFORT
Centre International de la Mer
2 rue jean Baptiste Audebert
17303 Rochefort
05 46 87 01 90
Jusqu'au 5 janvier 2020 expo temporaire : du sable entre les pages
De 10h à 19h tous les jours
La corderie de Rochefort (Charente Maritime), un musée original dans un lieu magique un haut lieu du patrimoine national
La corderie de Rochefort est une construction majeure du XVII° siècle de 3000 m2 qui a été restaurée avec application et dont on a su trouver une utilité pour les siècles à venir.
Mais pour bien comprendre le lieu il est fondamental d'en connaître l'histoire.
L'histoire de la corderie
Rochefort au XI siècle est un village appelé Roccafortis.
Au XVII siècle, la ville ne compte que 500 habitants, mais Louis XIV cherche à créer une marine de guerre capable de concurrencer les Anglais et les Hollandais. Dans ce domaine tout était à faire.
En 1661 à la mort de Mazarin, Jean Baptiste Colbert entre au service du roi. Il va charger une commission de trouver l'endroit le plus adapté pour installer un arsenal.
En 1664 la commission va visiter la côte de Dunkerque à Bayonne et grâce à l'aide de Jean Colbert du Terron, intendant de la ville de Rochefort et cousin du ministre Colbert, ils décident de l'implanter dans l'embouchure de la Charente.
Ce site est choisi grâce à son accès difficile pour d'éventuels envahisseurs, mais le lieu est difficilement constructible car très vaseux.
Les plans sont effectués par l'architecte François Blondel et la construction débute dès février 1666 sans l'approbation du roi et sans l'acquisition des terres. Le propriétaire Jacques Henri de Cheusse ne sera exproprié qu'en mai 1666.
L'édification n'est pas simple car le sol est une couche de vase de près de trente mètres inondée par soixante centimètres d'eau lors des grandes marées.
Pour pouvoir construire, ils vont en premier lieu surélever le terrain puis établir un radier en pièce de chêne de 30 cm de section qui sera enfoncé à cinq pieds sous la nappe phréatique.
Une fois le radier terminé, les 700 ouvriers commencent la construction de manière symétrique, élevant les murs au même rythme pour l'ensemble du bâtiment.
Après trois années les travaux s'achèvent, nous sommes en 1669. Le bâtiment terminé mesure 374 mètres pour 8 de large. La corderie va fonctionner durant deux cents ans pour confectionner les cordages de la marine royale.
L'aile principale est encadrée par deux pavillons, au nord celui destiné au stockage du chanvre et au sud celui destiné au goudronnage du cordage.
À cette époque, le cordage le plus long utilisé sur un navire avait une longueur d’une encablure soit 195 mètres. Pour des conditions de solidité il devait être fait sans raccords. Pour créer un cordage de cette longueur il fallait compte tenu de la technique de fabrication un minimum de 270 m de long.
Rochefort était donc bien pensé avec ses 374 mètres de façade.
Il faut en outre réaliser que les navires de cette époque avaient à leur bord jusqu'à 100 km de cordage, c'est dire les besoins.
La corderie réceptionnait le fil de chanvre pour le transformer en fil de caret puis en cordage.
Entre 1669 et 1862 l'arsenal de Rochefort va construire près de 550 navires dont le Victorieux, la Méduse et l 'Hermione et entretenir la marine de guerre.
Mais l'apparition des machines à vapeur va faire disparaître peu à peu la marine à voile, quelques bateaux seront construits dont le premier bateau à vapeur le Sphinx et le premier sous-marin propulsé par un moteur, le Plongeur. L'envasement de la Charente va aussi mettre un frein aux constructions et de ce fait la corderie va perdre sa fonction en 1862.
L'arsenal de Rochefort fermera ses portes en 1927 et la corderie partira à l'abandon.
Oubliée dans une zone militaire interdite au public elle sera incendiée par l'occupant allemand en 1944.
Il faudra attendre 1964 et les efforts de l'amiral Dupont qui avec l'aide de bénévoles va nettoyer le site, et y créer un jardin et des jeux de boules.
Puis la municipalité va s'intéresser au bâtiment, il sera classé aux monuments historiques en 1967.
En 1973 le site est acheté à l'État par la ville et les travaux vont pouvoir débuter sous la direction de l'architecte en chef des monuments historiques, Michel Mastorakis. Les travaux vont durer douze ans et seront terminés totalement en 1984.
Divers organismes et services s'installeront progressivement comme le Centre International de la Mer dont les objectifs sont de mettre en valeur l'histoire de la corderie et de diffuser l'idée maritime sous toutes ses formes.
En 2017 l'exposition permanente est modernisée.
Visite des lieux
Le bâtiment développe sur ses 374 mètres une magnifique architecture, côté Charente, elle est le symbole du pouvoir du Roi Soleil, l'autre côté est plus classique et plus sobre.
Dans le musée qui n'occupe qu'une extrémité, deux grandes parties, la présentation de la corderie et des cordages et une exposition temporaire sur la mer.
La visite commence par un spectacle audiovisuel très bien fait englobant les visiteurs dans une série de tableaux où des personnages vont s'animer et conter l'histoire de la corderie.
Puis un parcours est proposé pour connaître les objets liés à la réalisation des cordages et des ateliers de fabrication.
On débute par le traitement du chanvre puis on apprécie le geste du fileur grâce à un hologramme reprenant la technique du 17° siècle.
Le visiteur est invité à manipuler les outils utilisés dans l'atelier et ensuite il doit répondre à un quizz pour vérifier ses connaissances sur le sujet.
Deuxième atelier, du fil au cordage, l'atelier du commettage (torsion des fils)
C'est le passage du fil au cordage réalisé sous nos yeux.
Dernier atelier, du cordage au gréement, le matelotage.
Ici on voit faire les mateloteurs, experts en nœuds marins et on peut s'y essayer et éprouver la résistance des cordages ou actionner des palans.
Toujours une implication est demandée au visiteur, puis on vérifie ses acquis... expérience ludique qu’apprécie le public, ce n'est pas un musée où l'on déambule, mais un lieu qui nous ouvre ses secrets et nous explique toutes ses procédures.
Grands et petits sont aux anges et se plient avec plaisir à cette démarche éducative.
Ensuite c'est l'exposition temporaire. Un caillebotis nous mène à des cabines de plage telles qu'on les a connues à l'époque balnéaire. C'est un sas, l'inconnue est derrière, on pressent la mer mais on ne la voit pas. C'est une plongée sur une plage au milieu des aquarelles, des cabanes de plage et des transats sur un sable fin dans un concert de mouettes et de cris d'enfants. Elle est éclairée par la lune et peuplée d'éléments blancs en suspension dans l'air. Objets cachant d'autre objets, jeux de cache-cache dans le sable. Sur le pourtour, quelques illustrations issues de livres des auteurs présentés, Stéphane Henrich, Thierry Dedieu, Suzy Lee, Marjorie Beal, David Merveille et Delphine Renon.
Dans une salle, projection des dernières minutes du film de JF Laguionie, un des meilleurs cinéastes d'animation en France, Louise en Hiver, petite merveille cinématographique alliant aquarelles et gouaches dans un remarquable travail sonore.
Il faut se résoudre à sortir, jouir de la vue de cette corderie, si imposante, si majestueuse.
À deux pas dans une cale, l'Hermione ouvre son pont à la visite, à ses côtés une carcasse de navire propose un parcours dans ses mâts, version bateau d'un accrobranche, très original mais ceux qui ont le vertige doivent s'abstenir.
Un lieu à voir et revoir. L'exposition temporaire est ouverte jusqu'en janvier 2020
Jean Michel Gautier
Mis en ligne le 18 mars 2019