PAS PLEURER

Institut Français de Barcelone
Festival de Théâtre en français de Barcelone

 

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Pas pleurer loupe Photo Rita Martinos

« Pas pleurer » c’est l’histoire de Montse, sa mère, que raconte Lydie Salvayre en 2014 dans un livre qui lui valut le Goncourt.

Une jeunesse heureuse dans un petit village catalan puis à Barcelone avant que ne monte le fascisme et son cortège de drames.

Mise en scène par Anne Monfort, elle est aujourd’hui sur les planches pour la première fois à Barcelone où se déroule une partie de l’histoire dans le cadre du festival de théâtre en français.

 « Pas pleurer » ( « No llora » ) c’est-ce que répète Montse à sa fille pendant la Retirada, cette fuite vers la France des opposants à Franco, et ce qui dictera sa conduite tout au long de sa vie, pas pleurer, ne jamais baisser les bras.

À quatre-vingt-dix ans, Montse a tout oublié sauf cet été 1936 où elle découvrit en même temps la liberté et l’amour, occultant complètement les soixante-dix années suivantes.

Dans le livre les voix s’entremêlent, celle de Montse racontant sa jeunesse, celle de Lydie la narratrice, et celle de Bernanos, écrivant « Les grands cimetières sous la lune » pour dénoncer les exactions franquistes, lui, l’homme d’extrême droite, fervent catholique, écœuré par ce qu’il voit.

Difficile de transposer sur scène ce roman complexe et foisonnant.

Anne Monfort, la metteuse en scène s’y est attelé avec une passion et un enthousiasme certains.

Elle a choisi certains passages, en a supprimé d’autres, a donné chair au personnage du frère, s’est complètement appropriée l’œuvre, l’a faite sienne.

Mais du coup, je dois dire que je n’ai pas retrouvé ce qui m’avait tant séduite dans le livre, ce souffle épique qui le traverse, la profondeur des personnages, l’âpreté des situations.

Le fait d’élaguer le texte, inévitable j’en suis bien consciente sous peine de faire un spectacle de trois heures, empêche d’en ressentir toute dimension psychologique, des passages clés manquent, les personnages de Diégo et d’André sont quasi inexistants.

Les allusions à Bernanos qui entrecoupent le texte, lui donnent des respirations, sont ici remplacées par de la vidéo, notamment à la fin, où la fille parcourt Barcelone sur les traces de sa mère. C’est long, très long, beaucoup trop long et casse complètement le rythme que les comédiens avaient réussi à instaurer.

Anne Sée incarne à la fois l’auteur et sa mère, mêlant le langage châtié de l’une au mélange d’espagnol et de français de l’autre. Elle a une présence indéniable, passant de l’une à l’autre avec aisance.

Marc Garcia Coté livre une prestation époustouflante, aussi convaincant en catalan qu’en français ou en espagnol.

Car le spectacle utilise ces trois langues, surtitrées en espagnol. Dommage que les passages en catalan n’aient pas été traduits en français.

Je reste donc un peu sur ma faim, mais le message est bien là, « tous les fanatismes se ressemblent » écrivait Bernanos ; n’oublions pas le passé, les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets. Voilà une œuvre éminemment utile en ces temps où notre vieille Europe se retrouve assaillie de toutes parts. Et qui donne envie de relire (ou de découvrir) « Les grands cimetières sous la lune ».

Nicole Bourbon

 

Pas pleurer

De Lydie Salvayre 
Mis en scène par Anne Monfort

Avec Anne Sée et Marc Garcia Coté

 

Mis en ligne le 9 février 2019