LA MAGIE LENTE
Théâtre Artéphile
7, rue Bourg Neuf
84000 AVIGNON
04 90 03 01 90
du 5 au 28 juillet à 19h20
Vu au Festival fen français de Barcelone 2019
« La psychanalyse est une magie lente » disait le maître en la matière, Sigmund Freud.
Magie lente de la psychanalyse donc mais aussi magie lente des mots et magie lente du spectacle vivant.
Cette magie qui nous est ici proposée nous conte la lente remontée vers la lumière et la vie d’un homme traumatisé, enfoncé dans ses peurs et ses angoisses malgré dix ans de psychanalyse. Dix ans où il a été diagnostiqué et soigné pour schizophrénie alors qu’il souffre de troubles bipolaires. Le changement de thérapeute sera salutaire.
Habilement, l’auteur part d’un colloque qui expose ce cas utilisant le procédé de la narration qui va permettre de mettre de temps à autre la distance nécessaire pour traiter ce sujet extrême sans pathos ni voyeurisme.
Ces respirations permettent ce qui pourrait devenir insoutenable, la mise à nu d’un homme dans un spectacle d’une extrême crudité, saisissant, bouleversant et dérangeant jusqu’au malaise parfois.
Dans le public, le silence est total quasi recueilli, et lentement l’empathie nous gagne pour cet homme fracassé.
Dans cet exercice difficile le comédien, Benoit Giros est remarquable livrant un jeu d’une densité exceptionnelle. Il est à la fois le narrateur, ton neutre, le psychanalyste, imperturbable et solide et le patient, perdu et torturé.
Cette pièce d’une grande violence est paradoxalement portée par un acteur tout en douceur. Sans élever la voix, dans une grande économie de moyens et une sobriété absolue, il prononce des mots terribles, d’une crudité dérangeante, avec ces termes « enculé, trou du cul » qui tourbillonnent dans la tête du patient et reviennent en leitmotiv.
La mise en scène de Pierre Notte, épurée, libérée de tout superflu, de tout artifice et d’une grande précision, laisse toute sa puissance au texte, à la parole implacable et libératrice. Sur la scène, un ordinateur sur une table, quelques verres d’eau en fond de plateau posés sur des chaises noires. L’homme est seul, seul face à ses angoisses et ses interrogations. Pour accentuer cette solitude, Pierre Notte a choisi de lui faire non seulement interpréter les trois personnages mais grâce à un appareil dont il actionne les boutons du pied, gérer son et lumières.
Un dernier mot, celui qui clôt le spectacle : « Merci ».
Merci pour ce spectacle qui résonnera longtemps dans nos têtes et merci pour toutes ces existences fracassées qu’il aidera peut-être.
Nicole Bourbon
La Magie lente
De : Denis Lachaud
Mise en scène : Pierre Notte
Avec : Benoit Giros
Mis en ligne le 2 juillet 2019