DEUX FOIS RIEN
Au Magasin
31, rue des Teinturiers
84000 – Avignon
+33 (0)4 90 85 23 23 et +33 (0)4 90 86 11 33
à 17h
du 6 au 27 juillet
Relâche : 18 juillet
Quel titre étrange ! Et comment deviner qu’il s’agit là d’un spectacle poétique ? Du moins de chansons poétiques.
La poésie, si loin d’être un genre dépassé, démodé, voire guindé. La petite musique et la danse des mots : des genres éternels ! La poésie, l’expression la plus élevée du cœur humain.
Greg Allaeys, une voix qui dès les premiers instants me touche au plus profond ; Benoît Dendiével les notes d’un piano qui m’émeuvent. Je sens aussitôt des frissons dans les tempes. J’adore cette sensation, quand elle s’empare de moi, toujours inopinément ! Quand ça va mal, il suffit parfois de quelques mots et de quelques notes ; quand ça va bien, également !
Je vais laisser parler les poètes, la puissance de son Verbe, si bien magnifiée par le son du piano.
La Guerrière.
« Un genou à terre, le majeur en l’air… le regard égaré dans l’éternité abyssale des années perdues. Le corps marqué… au fer. Te voilà en haut de la falaise, toi, la guerrière. »
La puissance d’un amour éternel.
« De tout ce qui été et de tout ce qui sera, mon cœur te reconnaîtra. »
Nos cœurs.
« Mais tout au fond des trous de mémoire, on s’est même vus heureux. Souviens-toi de ces instants, de ceux qu’on a volés au temps. Là ou même sans s’en apercevoir, on était bien…
Fin de l’histoire.
« Il a laissé la parenthèse ouverte. Je suis venu la refermer, fin de l’histoire entre guillemets. Pour un silence entre les points de suspension, dans un carnet à spirales infernales, mais parce que je tiens à toi… je te retiens à moi. »
Au bord de ta route.
« C’est d’abord au bord de ta route que je marche. Regarde-moi. Je suis sorti un jour de poussière, avec déjà l’envie que demain pousse hier. Des fragments de ma vie en suspension dans l’air… »
Soleil flottant.
« C’était un soleil flottant, qui s’éteint normalement, dans la tristesse banale, des amours en cavale. C’était un soleil flottant, j’en arrache le feu, pour une vie durant, le revoir dans tes yeux. »
Ta naissance.
« Je te tiens entre mes mains, Pierrot, mon gosse, mon frangin, mon poto, mon copain. Tu me tiens chaud. Là, je crois que je suis mort, noyé dans mes larmes. Même les mots, même eux, mes amis, mes frères sont trop petits pour dire ce qu’est ce moment-là. »
Ce spectacle est par ailleurs ponctué de traits d’humour. Les deux compères, très complices, échangent devant nous quelques blagues, toujours subtiles.
Bref, ce spectacle nous fait vibrer ; pleurer ; rire ! Toute une belle et riche palette d’émotions en résulte. Ce spectacle est ébranlement ; il est sensibilité. Il est espérance ; il est imagination. Il est sincérité ; il est justesse !
Mon unique réserve concernera le titre : Deux fois rien, avec en sous-titre Vous n’aimez pas la poésie ? et en sous-sous titre, On vous prend au mot. Greg Allaeys et Benoît Dendiével en expliquent la logique : « On n’est deux fois rien, mais deux fois plus, parce qu’ensemble, on s’additionne. » Je comprends et partage, évidemment. Mais ce titre ne me semble guère porteur, même s’il s’agit par ailleurs du titre d’une très belle chanson chantée lors du spectacle. Pour ma part, je choisirais plutôt : Vous n’aimez pas la poésie, comme titre ; On vous prend au mot, en sous-titre. C’est un détail !
En déambulant dans la rue des Teinturiers, à l’issue du spectacle, on pense à ces mots de Lautréamont : « La poésie se trouve partout où n’est pas le sourire, stupidement railleur, de l’homme, à la figure de canard ! » Et l’on se dit que la poésie est un genre éternel : présente tout autant dans les recueils d’auteurs morts que dans les textes, de tous genres, d’auteurs vivants ; elle est l’Amour, elle est la Vie !
Avec Greg Allaeys (voix) et Benoît Dendiével (piano).
Une très habile mise en scène d’Angélique Catel, et un non moins habile jeu de lumières signé Camille Faye.
Fabrice Glockner
Deux fois rien
Mise en scène : Angélique Catel
Avec : Grég Allaeys, Benoit Dendievel
Chargée de Diffusion : Anna Pouget
Mis en ligne le 17 juillet 2019