LES GRAVATS

La Fabrik Théâtre
10, Route de Lyon / Impasse Favot
84000 Avignon
04 90 86 47 81

12 > 24 juillet à 11h 

 

Les Gravats loupe 

Les gravats sont des restes de constructions, de chantiers de démolition, des matières. Ils sont destinés aux décharges ou traînent des décennies le long des routes dans l’attente d’une érosion définitive par la pluie, le vent, le temps. Nos sociétés en fabriquent de plus en plus, parfois plus que des déchets ménagers. Pourtant, on développe maintenant des techniques de recyclage qui apportent une deuxième vie à ces matières inertes. Elles retournent alimenter le cycle des constructions de nouveaux bâtiments, de nouvelles infrastructures. Les Gravats, ce sont ici les personnes d’un certain âge, les seniors, nos ainés, et dans une mesure certaine : notre futur proche ou lointain.

C’est armés d’une autodérision salutaire que les trois protagonistes de ce spectacle vont danser pendant un peu plus d’une heure la farandole endiablée de la vieillesse. Un coup d’humour bien noir alterne avec un air de poésie, un clin d’œil à la camarde et une vision amusée sur une désertification qui n’a rien à voir avec le réchauffement climatique mais avec la moisson chaque année plus grande que la faucheuse pratique dans le champ des amis et des connaissances – l’horloge tourne…

Rares sont les pièces qui osent s’aventurer à parler de l’âge ou de la maladie : ce sont des sujets porteurs d’angoisses qui font parfois fuir les spectateurs. Même le Roi Lear subit cette malédiction. Il faut à ces trois interprètes / auteurs une sacrée dose de d’humour et de tendresse pour faire d’un tel sujet une course ludique vers la lucidité sans sombrer à aucun moment dans la déprime. Ils osent, avec une ironie très élégante, se moquer ou sublimer des signes du temps sur les corps. Ils osent aussi forcer le trait avec un esprit digne des Monthy Piton quand ils montrent l’art que déploie la médecine pour réduire les souffrances de l’âge : quelques os et squelettes volent sur la scène….

Toute cette fantaisie n’évacue pas le tragique et le sensible du sujet, spécialement quand on se rend compte que c’est parfois le poids des regards des autres qui écrase plus que les effets de l’âge.

L’assemblage de scènes écrites par Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Clotilde Mollet avec des poésies et d’extraits d’auteurs comme un passage d’Aragon, paraît par moment décousu, mais il ne s’agit pas ici d’avancer dans une histoire sur un fil dramatique tendu mais de sautiller. Un bond ici, un bond là, (ces sexagénaires sont vraiment d’une vivacité intellectuelle et physique surprenante) qui éclairent chacun une sphère nouvelle de cette vieillesse tout sauf recroquevillée : les sentiments, l’amour, la jouissance et le plaisir, la sexualité même !, la joie, le rire, la cruauté, la nostalgie, la provocation sont ainsi brandis tour à tour dans ce rigodon amusé.

Ils ont quelques bribes de clowns en eux, ces acteurs. Ils s’amusent à manier leurs sujets comme un jongleur lance des torches enflammées autour de sa tête. Et cette franche bonne humeur contamine toute la salle avec parfois un vent glacial qui saisit le cœur comme la lecture de cette lettre d’adieu écrite par quatre retraités grecs devenus trop cher pour une société ingrate : une lettre finalement adressée à nous tous.

Bruno Fougniès

 

Les Gravats

Compagnie La Mouline

Collectif de réalisation Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Clotilde Mollet, Jean-Louis Hourdin
Textes Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Clotilde Mollet et autres poètes

avec : Jean-Pierre Bodin – Jean-Louis Hourdin en alternance avec Thierry Bosc – Clotilde Mollet

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Mis en ligne le 11 juillet 2018