DELUSION – LE CIRQUE DES MIRAGES
THÉÂTRE DU CHIEN QUI FUME
75, rue des Teinturiers
84000 - Avignon
du 6 au 29 juillet
à 22h30
relâche les mercredis
Une véritable étoile noire que ce spectacle. Noire comme les bas-fonds, les coupe-gorges et les zones licencieuses et perverses des individus car c’est bien dans là que nous entraînent les deux personnages surprenants qui seront nos guides pendant une heure trente. Mais étoile avant tout car malgré la noirceur volontaire qui forme le marécage où clapote ces histoires, tout le spectacle est éclairé par la lumière d’écritures et de compositions originales magnifiques et par un humour noir lui aussi, mais purifiant et libérateur.
L’un est géant, khôl et rimmel noircissent ses orbites, éclairages rasants accentuent ses traits, c’est notre hôte, Yanowski, gardien du temple qui va nous introduire dans le mystérieux club où règne dans une lumière rouge sang, le Maître.
L’autre est plus miniature, mais son visage est aussi grimaçant, son esprit également satanique et ses mains virtuoses semblent se mouvoir d’elles-mêmes quand elles parcourent le clavier du piano à queue d’où il trône, d’où il va inonder la salle de ses compositions élaborées.
C’est un univers particulier, provocateur et exutoire où nous sommes invités. Une sorte de club du mal aux allures de cabaret décadent, où les histoires, et les chansons vont nous faire découvrir des personnages sans morales, sans consciences, des apôtres du malin, des criminels, des assassins. Tout un monde interlope né des fantasmes du XIXème siècle et réinventés ici dans une vision expressionniste.
Yanowski est un chanteur incroyable, aussi capable de lyrique que d’un narratif accéléré, et des accents et des airs qui parfois rappellent les grands de la chanson que sont Brel ou Barbara. Les compositions et les textes sont à la hauteur. Riches, dynamiques, endiablés bien sûr, et plein de jeux, jeux de mots, jeux de mains, jeux de vilains. Mimes. Effets.
C’est presque une école qui se poursuit ici, une école de l’exploration ironique des perversions et des crimes… toutes ces choses qui effraient et fascinent y trouvent leurs places. Et on savoure les mots qui fleurent l’argot et la racaille, le sexe et l’abomination, la liberté de l’absurde et le sacrilège.
Au piano, et en jeu, Fred Parker est lui aussi exceptionnel. Satanique à souhait, jouant à un moment une marionnette automate des plus glaçantes, non, des plus hilarantes, car les émotions se télescopent sans cesse, au fil des scènes et des chansons.
Un moment unique pour un spectacle d’une qualité extrême, et d’un humour corrosif et insolent qui fait frisson, qui fait explosion de rire, qui fait que l’ovation de fin met tout le monde debout.
Bruno Fougniès
Le Cirque des mirages
De et avec Parker et Yanowski
Mis en ligne le 23 juillet 2018