LE FANTÔME ET MRS. MUIR
PRÉSENCE PASTEUR
13, rue du Pont Trouca
84000 - Avignon
à 17h25
On croirait un rêve. Une sorte de rêve qui ressemble à la réalité mais qui, brisée par endroit par des heures qui se réduisent à secondes, des gestes qui se figent et durent plus que la normale, des pans d’ombres, laisse planer un doute sur son existence.
Vision éthérée d’un côté et pourtant réalité charnelle des comédiens qui sont à la fois loin, comme perçus à travers un voile qui n’existe pas, tantôt semblant surgir à une distance de bras, en adresse directe, murmurant à nos oreilles.
L’histoire se déroule dans cette atmosphère suspendue – ce rythme un peu surnaturel emporte l’imaginaire – une atmosphère renforcée par les précises lumières de Jean-Louis Martineau qui créent les différents espaces disséminés sur l’immense plateau nu – mis à part quelques meubles évocateurs de la maison où se déroule l’action. La magie rode ainsi, régulière, qui fait écho au côté fantastique de la pièce.
L’histoire ? Une maison isolée au bord d’une falaise d’Angleterre, une maison hantée par le fantôme d’un capitaine au long cours, est achetée par Mrs Muir, jeune veuve décidée depuis le décès de son époux à s’émanciper de la tutelle oppressante de sa famille, de sa belle-famille et de sa classe sociale, bien décidée à vivre sa liberté, son indépendance et son bonheur. Fuyant le monde trop réel de ses proches, elle accepte sans aucune réticence, ni peur, la présence quotidienne du fantôme qui bientôt sera celui avec lequel elle partagera une totale et entière sincérité.
La mise en scène de Michel Favart, fluide, évocatrice, fuyant le réalisme, parvient à donner l’impression d’assister à un film plutôt qu’à du théâtre. C’est sa première mise en scène, lui qui est plutôt habitué aux tournages, mais il a su utiliser la boîte noire de la scène pour y faire surgir ses apparitions.
Tout ici est délicat et éphémère… les déplacements des comédiens qui surgissent des lisières obscures du plateau et glissent plus qu’ils ne marchent, évanescents, les scènes, courtes ou longues, qui se suivent sans qu’on sache jamais à l’avance ni où, ni quand, ni avec quel personnage ces scènes vont se dérouler : nous sommes dans un présent perpétuel, qui tient en haleine.
Et les paysages de cette rude côte anglaise, suggérés par les répliques, se déploient dans les failles de la lumière plateau qui parvient à sculpter les lieux de cette histoire vraie mais fantomatique.
Longtemps après, les scènes de cette pièce restent en mémoire. Certaines images se teintent en sépia. Certains passages semblent des danses légères, des ronds de valses. Et l’on devient alors un peu comme cette Mrs Muir qui, confrontée au dilemme de choisir entre réel borné et imaginaire infini, parvient à concilier les deux pour rendre le réel plus inventif et l’imaginaire plus présent.
Bruno Fougniès
Le Fantôme et Mrs. Muir
Texte de R.A. Dick c/o Sharland Organisation Ltd
Adaptation Catherine Aymerie
Mise en scène Michel Favart
Collaboration artistique Julien Favart
Lumière Jean-Louis Martineau
Scénographie et costumes Sandrine Lamblin
Musique et Bande sonore Jean-Marie Sénia
Avec Catherine Aymerie, Peter Bonke, Paula Brunet Sancho, Stéphane Olivié Bisson
Mis en ligne le 16 juillet 2017