LA MANTE

Présence Pasteur
13, rue du Pont Trouca
84000 Avignon
04 32 74 18 54

Jusqu’au 30 juillet

10h45

La Mante

loupe 

C’est périlleux. Un équilibre éphémère que seul l’art vivant est capable de réaliser. Voici un spectacle qui tient sur une fièvre et quelques piliers, un théâtre que l’on sent à chaque instant en train de se faire, de s’inventer, de s’enfanter lui-même. Quelque chose d’intense, à chaque fois nouveau se joue ici. Le texte, la lumière, l’univers sonore, la mise en scène et le jeu des acteurs sont autant d’éléments vitaux. Que l’un se décale, s’affaiblisse, s’étiole ou se banalise et toute la pièce s’écroule. Mais chacun de ces éléments tient et joue l’un avec l’autre sans faille.

L’histoire est romanesque. Des personnages qui semblent tout droit sortis de films dramatiques européens des années cinquante, soixante : Alexandre, le génial peintre reconnu, adulé mais torturé par des cauchemars et un passé trouble, enfoui, qui va sortir de tombe. Sa muse, et son amante, celle qui est à la fois l’inspiratrice et l’ambassadrice du grand maître, qui est également son souffre-douleur, le modèle mais aussi l’objet du désir et de la haine pour l’importance qu’elle occupe soudain dans toutes ses toiles. Et puis, surgie du néant de l’oubli, une mère espagnole à la fois victime du franquisme et bourreau pour ce fils qu’elle a non seulement abandonné mais effacé de sa vieille mémoire.

Il s’agit pour le héros de cette histoire, de trouver des réponses à un passé qu’on lui a volé.

Hugo Paviot a construit son texte en élaguant tout ce qui peut être du domaine de l’explication, de la justification et de la perte de temps. Chaque scène plonge directement au cœur de l’action. En une fraction de seconde l’on passe du réel au cauchemar, de la pensée à l’empoignade, de Paris au sud de l’Espagne. Et pourtant l’on sent une volonté de lecture psychique de l’être humain pour construire l’enchaînement des scènes, les conflits et les quêtes. C’est ainsi que l’obsessionnel hante les esprits et que l’image de la femme dans l’âme du peintre Alexandre est une combinaison troublante du visage de sa mère et de son amante.

La scénographie laisse aux lumières de Jean-Louis Martineau le soin de faire apparaître et évoluer les personnages dans cet espace qui est tour à tour vision mentale d’Alexandre ou réalité. Un dédale symbolique qui renforce la solitude des personnages, les isole ou les réunit. Le voyage est ainsi autant géographique qu’historique. Il part du Paris brillant d’aujourd’hui jusqu’en Andalousie où les restes de la dictature franquiste et ses exactions palpitent encore dans les inconscients comme la lave bouillante au fond des cratères.

Là réside l’enjeu de la pièce voulue par l’auteur: cette sourde violence née de la grande histoire qui continue de torturer les humains ordinaires durant des années, des décennies, des vies entières, même lorsque le conflit est bien fini.

Le texte âpre, sans concession, écrit d’une plume ferme est porté par trois comédiens d’une densité rare. Ils parviennent à projeter au travers leurs personnages les élans de folie, de violence et de fragilité qui les rendent palpables, dangereux et émouvants. David Arribe dans le rôle d’Alexandre, Paula Brunet Sancho dans le rôle de la mère et Delphine Serina dans celui de la Muse sont comme les solistes d’un opéra jouant avec leurs cœurs, leurs tripes et leurs talents des arias qui dialoguent entre eux en accord. Leur jeu est à la fois totalement incarné mais en constante recherche de l’écoute du public. C’est une vraie performance que de créer ainsi un vrai bouillonnement théâtral, une onde du vivant qui fait trembler et tourbillonner l’air autour d’eux jusqu’au fond de la salle, jusqu’aux ventres.

 

La Mante fait partie d’une trilogie écrite et mise en scène par Hugo Paviot ; « La Trilogie d’Alexandre ». Les deux autres pièces sont « Les Culs de plomb » et « Vivre »

La trilogie sera représentée au Théâtre Jean-Vilar / Vitry-sur-Seine le 23 avril 2017

Vendredi 21 avril 20h (Les Culs de plomb), Samedi 22 avril 19h30 (La Mante)

Bruno Fougniès

 

La Mante

Texte et mise en scène Hugo Paviot
Création et régie lumière Jean-Louis Martineau
Création et régie son Christine "Zef" Moreau
Costumes Adélaïde Gosselin

Avec David Arribe, Paula Brunet Sancho, Delphine Serina

 

Mis en ligne le 22 juillet 2016