Anthony Magnier présente cette fois au théâtre de l'Oulle une version dépoussiérée et résolument moderne d'une des pièces phares de Feydeau. Il a fallu de l'audace et s'armer d'inventivités et d'idées géniales pour faire oublier les nombreuses versions ampoulées de ce vaudeville et je dois dire que son adaptation est un véritable un coup de maître.

Pas de décors lourds mais juste un fond de tulle blanc transparent en arrière plan avec l'idée lumineuse de figer durant le déjeuner donné par Lucette, les convives dans des postures plus que parlantes ; deux lustres, une très belle lumière et un grand nombre de chaises finissent par habiller le lieu. La mécanique de précision du texte de Feydeau porté par d'excellents comédiens totalement habités par leur rôle fait le reste.

 L'histoire chacun la connaît. Bois d'Enghien jeune dandy n'ose avouer à Lucette son désamour et son intention de se marier avec une autre. Trahie, elle fera mine d'accepter pour mieux le punir après. L'amour, l'émotion, la sensualité restent présents mais le comique a la part belle dans cette folle comédie de mœurs où les portes claquent alors qu'il n'y a pas de porte et où les sonnettes sonnent par le seul bruitage des comédiens. Les personnages qui vont et viennent dans ce chassé-croisé sont les moteurs comiques de cet orfèvrerie théâtrale comme Bouzin magiquement interprété par Michaël Taieb dans un gestuel tout à fait étonnant et précis, Fontanet puant de bêtises (Gaspard Fasulo) le sanguin Général Irrigua à l'accent si improbable interprété par un Antony Magnier puissant et Chenneviette sous les traits de Xavier Legat extrêmement sobre et juste, donnent la rythmique de ces situations subtilement comiques comme si elles étaient taillées dans le plus pur des marbres blancs.

Il faut aussi parler des très beaux costumes de Mélisande de Serres et de l'interprétation admirable de Stéphane Brel qui joue parfaitement toutes les facettes de l'homme pris au piège de l'amour, passant de la presque folie à un jeu tout en retenu dans les moments intimes.

Voilà donc un joli coup de fouet vivifiant au chef-d'œuvre de Feydeau qu'il ne faut pas manquer d'applaudir.

Patrick Rouet

 

Un fil à la patte

Auteur : Georges Feydeau
Mise en scène et scénographie : Anthony Magnier.

Avec : Agathe Boudrières – Stéphane Brel – Gaspard Fasulo – Magali Genoud – Alexandra Jussiau – Xavier Legat – Anthony Magnier – Eugénie Ravon – Mikaël Taieb..

Costumes : Mélisande de Serres. 
Lumières : Marc Augustin Viguier.