Un homme étrange, un homme perdu, presque sauvage erre dans les souterrains du métro et observe avec un regard acide l'humanité de ces voyageurs anonymes. La quête de cet homme qu'il poursuit avec acharnement est celle de la beauté mais on le sent frustré, garrotté, empêché dans ses accomplissements propres, par les dictats et les vernis sociaux. Alors il interpelle, apostrophe ses contemporains, il s'adresse à nous spectateurs, un par un et chacun a droit à son portrait, à ses moqueries, à ses insultes, à son indifférence. Le langage est à vif, presque blessant, presque orgueilleux. Il s'emporte sur un œil bleu, sur un pull-over à col roulé, il s'agace d'une vie bien rangée. Les mots crus vomissent de son esprit tourmenté avec le besoin de dire tout haut ce que d'autres pensent tout bas.

Le texte de l'auteur autrichien Peter Handke est une ode fulgurante, presque un message d'amour tant il est passionné, le verbe est fouillé comme une partition de blues. Il faut bien entendu un extraordinaire comédien pour servir un texte aussi poétiquement insultant. Yann Colette nous attire, nous prend et ne nous lâche plus, son souffle de souffre nous envahit, nous hallucine, nous fait réfléchir. Une musique électronique comme si le cerveau explosait, une mise en scène au millimètre de Xavier Bazin font de ce cri fascinant dans les profondeurs d'un souterrain artificiel, un moment que je ne n'oublierai pas de si tôt.

Patrick Rouet

 

Souterrain Blues

Auteur : Peter Handke.
Metteur en scène  et scénographie: Xavier Bazin.

Avec : Yann Colette – Véronique Sacri.