Micro main et stroboscope : l'attirail minimal du karaoké.

Et la tchatche, et les chansons du répertoire dont Charles, Charles Aznavour.

C'est l'histoire d'un fan de Charles Aznavour, vrp en moissonneuse-batteuse dans la Nièvre, marié, sans histoire, banal, qui vient chaque fin de semaine tenir la scène dans son karaoké préféré.

Fabrice Melchiot gratte la façade anodine de ce vendeur, hâbleur, rustaud anodin pour y découvrir la fragilité, l'humanité, la tendresse et surtout la force de rester debout, de rester soi-même face à l'adversité.

L'adversité la voilà : sa femme, de qui il est amoureux depuis l'enfance le quitte. Elle lui annonce même la nouvelle ce soir-là, en plein karaoké, en pleine ivresse.

Une pièce dans l'esprit si chouettement rock-and-roll de Fabrice Melquiot et qui respire son amour pour les humbles, de ceux qu'il aime à faire briller. L'histoire que va nous raconter ce personnage à la reconquête de cette femme, par tous les moyens.

 Il a d'un côté l'aspect sympathique des vendeurs capables de fourguer une éplucheuse de cacahuètes à un allergique à l'arachide, et d'un autre le caractère d'un macho de campagne comparable à l'esprit d'un nobliau de province, sûr de lui, prétentieux, arrogant  et inculte.

Sa femme le quitte : c'est comme une explosion atomique pour cet être, une remise en cause de tout ce qu'il est, de son pouvoir sur le monde, de la force de son caractère, de sa personnalité même !

Fabrice Melchiot ne tombe pas dans l'erreur de faire de cette catastrophe un choc qui remettrait en question son personnage et le rendrait lucide, voire intelligent. Il reste lui-même, un peu boiteux, mais lui-même.

Vincent Garanger s'est emparé de son rôle avec une jouissance évidente et communicative. Il tient le spectacle sur ses solides épaules et son talent nécessaire.

La mise en scène faite d'alternance entre stroboscope, chansons, masques et altercation micro en main renforce le côté répétitif des efforts vains de ce personnage pour retrouver sa moitié.

C'est finalement un homme qui se retrouve face au vide de sa propre vie que seuls le bruit et les chansons remplissent. Beaucoup de bruit…

Bruno Fougniès

 

Quand j'étais Charles

Auteur : Fabrice Melquiot 
Mise en scène : Fabrice Melquiot 

Avec : Vincent Garanger 

Sculptures et masques : Judith Dubois, Christelle Paré 
Musique et arrangements : Simon Aeschimann 
Lumières : Mickaël Pruneau