LES CAVALIERS
« Les cavaliers » de Kessel a d'abord été pour moi un de mes plus fabuleux voyages en littérature, un roman épique et foisonnant qui emporte le lecteur, envoûté par des personnages fiers, tout pétris de convictions et d'un sens de l'honneur exacerbé, des paysages âpres et fantastiques, un souffle épique animé des coutumes, traditions et légendes afghanes.
Comment rendre une telle épopée pleine de bruit et de fureur, de prodigieuses chevauchées, de combats héroïques, sur un simple plateau ? N'allais-je point être déçue ?
Et voilà que je ressors de la salle tout aussi bouleversée que je l'avais été par le roman, émerveillée de voir ce que peut donner le mariage de la magie du théâtre avec la magie de l'Orient.
Pas grand-chose sur le plateau. Et pourtant !
Quel voyage nous est offert là !
Pas de chevaux sur la scène et pourtant, on y croit, on le voit le magnifique Jehol semblant voler dans les airs, on les voit ces fabuleuses chevauchées.
Pas de grandes steppes arides, pas de villages, pas de forêts, pas de tentes, pas de hauts sommets et pourtant on les voit, on y croit.
On les voit la lutte violente et virtuose des bouzkachis, le marché multicolore, les chevaux qui ruent sous les coups de cravache. Rien n'est là et pourtant tout est là et c'est fantastique.
Quatre artistes sur la scène et ils sont tous là :
Ouroz et sa longue marche au bout de l'enfer, à la découverte de lui-même... Son père, le fier Toursène, tchopendoz toujours victorieux... Mokkhi, le bon sais, qui sera perverti... Zéré la prostituée, et aussi « l'aïeul de tout le monde », et le jeune bacha de Toursène, et Maksoud.
Ils sont là grâce à Grégori Baquet, Maïa Guéritte, Khalid K qui par ses bruitages et le travail sur les sons devient personnage à part entière, et Éric Bouvon qui signe également la mise en scène, un magicien inspiré, un véritable aventurier car seul un aventurier pouvait réaliser aussi parfaitement cet impossible challenge.
Premier spectacle du festival 2014, premier coup de cœur avec dans les yeux tant d'images incroyables, les courses de chevaux, le Bouzkachi, l'attaque des chiens.
Et toute la dimension humaine et philosophique de l'œuvre.
Et Jehol l'étalon magnifique.
« Pour l'étalon, son allure tenait moins de la course que du vol. Suspendu, étendu dans l'air, il ne touchait le sol que pour s'en détacher d'un seul battement. Et Ouroz, le visage contre la crinière flottante, le corps léger, délié, comme fluide, n'avait point d'autre vœu que de flotter ainsi qu'il le faisait au-dessus de la steppe et si près d'elle que cette terre, cette herbe et sa propre essence lui semblait confondues. »
Nicole Bourbon
Les cavaliers
d'après Joseph Kessel
Avec : Éric Bouvron, Grégori Baquet, Maia Gueritte, Khalid K
Metteur en scène : Éric Bouvron, Anne Bourgeois
Costumes : Sarah Colas
Création Lumières : Stéphane Baquet
Assistanat mise en scène : Gaëlle Billaut-Danno