Le Bal est un spectacle qui frappe très fort. Un vrai bonheur de théâtre !

Dans les années 1920, Antoinette, quatorze ans, jette un regard au vitriol sur le monde dans lequel elle grandit ou plutôt qui lui interdit de grandir : une mère étouffante jusqu'à la monstruosité qui harcèle sa fille (comme ses domestiques) et la maintient dans une enfance sclérosante. Ainsi croit-elle préserver un reste de jeunesse et de beauté qui lui permettra encore de réaliser son désir le plus profond : devenir une femme du monde et briller dans les salons.

Un père, aveugle aux souffrances de sa fille, obsédé par l'argent, mais qui, à force de spéculations financières et de compromissions, atteint enfin le but ultime de ses ambitions : devenir riche et entrer dans le cercle fermé des grandes fortunes de son époque

Après plusieurs années d'efforts pour dépasser leur modeste condition d'émigrés, Monsieur et Madame  Kampf projettent de donner un bal dans leur hôtel particulier où ne seront invités que des gens de la meilleure société française.

Une exception, toutefois, sera faite pour le professeur de piano d'Antoinette : vieille fille rigide, tyrannique avec l'adolescente mais tellement obséquieuse avec les parents, et au demeurant langue de vipère qui portera les cancans de la soirée dans toutes les familles qu'elle fréquente et même au-delà.

Seule ombre au tableau : en dépit des prières insistantes de sa fille, madame Kampf lui interdit catégoriquement de paraître à ce bal et la relègue dans la lingerie.

La vengeance se révélera aussi diabolique qu'inattendue !

Dans l'entre-deux guerres Irène Némirovsky connut un succès littéraire tel que deux de ses nombreux romans furent adaptés au cinéma dont justement « Le Bal ».

Ce succès fut interrompu en 1942 par la déportation et la mort de la jeune femme à Auschwitz.

Son dernier manuscrit, sauvé par ses deux filles, obtint en 2004, exceptionnellement à titre posthume, le prix Renaudot.

C'est ainsi que Virginie Lemoine, prise de passion pour l'œuvre d'Irène Némirovski, décida d'adapter « Le Bal » au théâtre et, avec Marie Chevalot, d'en assurer la mise en scène. 

Il faut ici saluer le travail de tous ceux qui ont contribué à la réussite de ce spectacle :

– précise et subtile, la mise en scène est presque chorégraphiée jusque dans les moindres gestes et mimiques,

– les décors (Grégoire Lemoine), les costumes (Christine Chauvet) les lumières (Roberto Capenacci) et la musique ( Jean-Samuel Racine) restituent avec talent cadre et atmosphère « nouveaux riches »

– quant à l'interprétation : les comédiens sont époustouflants et grandioses ! Brigitte Faure (en mère cruelle et égoiste), Serge Noël (en père indifférent et lâche), Lucie Barret (en adolescente blessée et redoutablement féroce), Françoise Miquelis (en professeur sadique et hypocrite), Michel Tavernier et Pierre Azéma (en domestiques stylés, maltraités mais lucides).

À découvrir d'urgence cet univers pathétique et truculent.

 

Nadia Baji

 

Le Bal

d'Irène Némirovsky
Adaptation : Virginie Lemoine 
Mise en scène : Virginie Lemoine, Marie Chevalot 
Décors : Grégoire Lemoine

Avec : Lucie Barret, Brigitte Faure, Serge Noël, Françoise Miquelis, Michel Tavernier, Pierre Azema